Sur les fêtes chrétiennes

Texte paru dans un journal belge (La Libre Belgique)

 

Le débat de la semaine, lancé par l’anthropologue Dounia Bouzar, est évidemment l’abandon de deux jours fériés chrétiens en France pour les remplacer par l’Aïd et Yom Kippour. Par cette proposition, l’on peut une fois de plus constater dans quel gouffre d’oubli et de négation sombre la France, entraînant sans doute une partie de l’Europe à sa suite. On voudrait gommer le passé, le reléguer dans un musée, l’effacer des mémoires.

Bien sûr que chacun a le droit de fêter ce qu’il veut chez lui : Yom Kippour pour les Juifs, l’Aïd pour les Musulmans, la Tara Verte pour les bouddhistes, Beltaine pour les Wiccans, Thanksgiving pour les expatriés américains ou l’anniversaire du petit… Faut-il pour cela acter officiellement les désidératas particuliers de tout un chacun ?

Bien sûr que non. N’en déplaise au lobbying laïcard athée, la France et l’Europe sont des entités baptisées et chrétiennes. En tant que telles, elles peuvent et doivent être ouvertes à la diversité d’opinion et sans doute de religion dans une certaine limite, mais doit-on pour autant complètement se déraciner dans une sorte de folie moderniste incohérente et libérale ?

Il faut s’entendre sur les mots. Je défends l’idée d’une société traditionnelle opposée à la dite société moderniste. Qu’est-ce à dire ?

Par société traditionnelle, j’entends non pas une société moralement conservatrice, figée, réactionnaire, autoritariste et cloisonnée mais une société qui donne du sens. Or pour donner du sens, il faut s’inscrire dans le passé et s’enraciner dans le temps. « Même une plaisanterie a bien plus d’éclat quand elle a mille ans derrière elle» (2) disait C.S.Lewis. Et il avait raison, car au-delà de la boutade, les fêtes chrétiennes s’inscrivent dans une logique cyclique, rythmant la vie spirituelle et communautaire. Au-delà des croyances individuelles, elles inscrivent la société toute entière dans une logique propre qui est celle du christianisme, à savoir :

1) Naissance de la Lumière dans le monde (Noël)

2) Mort du vieil homme et des liens de haine qui entravent l’Humanité et victoire de l’Amour sur la mort (Pâques)

3) Dignité affirmée de l’Humanité par sa montée au ciel aux côtés de Dieu (Ascension)

4) Liens insécables tissés entre Dieu et les Hommes, nécessité pour l’Homme de répondre à l’appel créatif de Dieu pour s’accomplir (Pentecôte)

5) Dignité de l’Homme capable d’accepter son accomplissement en acceptant Dieu et affirmation importance primordiale de la femme dans le destin spirituel de l’Humanité (Assomption)

6) Liens entre les vivants et les morts par delà le temps et l’espace et par la même importance de la mémoire fondant notre humanité (Toussaint).

Bien vécu et bien compris, le cycle des fêtes liturgique structure le temps et le sacralise. Il sert de ciment à la population qui le vit en communion, il sort chacun de son égoïsme lui donnant conscience, par sa logique homogène, de sa destinée individuelle et collective.

Au contraire, un cycle de congés disparate est, par définition, complètement incohérent. Lorsque je critique le modernisme libéral, il ne s’agit bien sûr pas de la modernité synonyme de liberté légitime ou de progrès sociaux et techniques heureux. Mais bien plutôt de la société qui rejette systématiquement ce qui donne sens spirituel afin d’établir in fine, une société superficielle de la consommation. Les fêtes traditionnelles évacuées ou mélangée, le sens spirituel perdu, on pourra alors les remplacer par de simples « jours de congés » vides de sens.

Certes, on pourra me rétorquer que peut-être nous sommes à la veille d’une nouvelle culture, d’un basculement, avec de nouveaux référents et de nouvelles fondations. Je répondrai que si je crois à l’évolution des choses, je ne crois pas au fait de faire table rase du passé. a chaque fois que cela a été tenté, cela a donnée lieu à l’élaboration d’une société superficielle, inique, non durable et non créative. Créative ? Oui, car la Tradition est la condition de la créativité qui a besoin de racines profondes pour se développer : Tout homme séparé du passé est un homme injustement déshérité (3).

Une société qui rejette son passé est une société qui ne sait plus produire du Beau, du sens, de l’art et de l’humain. C’est une société qui est comme une coquille vide et qui finit par mourir.

 

(1) « Devenir soi-même, chronique d’un chrétien du XXIe siècle », Mercure Dauphinois, 2013.

(2) C.S.Lewi, Poems, p. 41

(3) Chesterton, préface au Paradis Perdu

Nicolas Cabasilas: sur la Mère de Dieu

francicea

FRANCISCEA EN FLEURS

Hymne à la Mère de Dieu

Nicolas  Cabasilas

Source : Nicolas Cabasilas. LA MERE DE DIEU. Traduit du grec par Jean-Louis Palierne. Edition : L’AGE D’HOMME- Collection la Lumière du Thabor.

Nicolas Cabasilas(1320-1398) était un laïc de Thessalonique.

Resplendissants de joie, fêtons brillamment ce jour (la nativité de la Mère de Dieu) auquel nous arrivons, ce jour où commence l’engendrement de la Vierge- ou plutôt de l’univers entier, ce seul et premier jour qui voit l’homme véritable d’où l’être vient véritablement à tous les hommes. Aujourd’hui la terre a donné purement son fruit, alors que jusque-là elle ne fournissait que des épines et des ronces, la récolte du pêché. Aujourd’hui le ciel sait qu’il n’a pas été édifié en vain, puisqu’est apparu ce pour quoi il a été fait, et le soleil sait pourquoi il a reçu la lumière pour le voir. Maintenant toute la création se connaît mieux, puisque resplendit l’ornement commun de l’univers. Maintenant tous les anges de Dieu se sont unis et chantent à pleine voix leur maître, plus encore que lorsqu’il a orné le ciel de la coupole des étoiles, car celle qui apparaît est plus haute et brillante de toute étoile et plus utile que le monde entier. Maintenant la nature aveugle des hommes reçoit la vue pour percer ce jour. Comme il le ferait plus tard avec l’aveugle-né, Dieu a en effet rencontré la nature humaine errant à tâtons, Il l’a prise en pitié et lui a miraculeusement donné cette vue – et l’homme voit ce que beaucoup de prophètes et de rois ont désiré voir et ils ne l’ont pas vu. Car de même que dans le corps il est de nombreux membres, mais aucun autre que l’œil n’a l’aptitude de voir le soleil, de même parmi tous les hommes qui ont existé, seule la Vierge a reçu la pure lumière, et par elle tous les hommes.

C’est pourquoi sans cesse les deux créations la louent, toute langue chante d’une seule voix ses exploits, et tous les hommes, tous les chœurs des anges, se font les artisans d’hymnes incessantes à la Mère de Dieu. Chantons nous aussi ses hauts faits et joignons-nous à l’élan commun pour offrir, moins que ce qu’il faudrait, moins que ce que nous devrions désirer, moins même que ce que nous aurions désiré dire- tant il faudrait que nous en tirions profit ! Mais il te convient, ô Toute-digne de nos hymnes, à toi et à ton amour de l’homme, de mesurer ta grâce non pas à notre mesure, mais à celle de ta grandeur ; et de même que tu as été choisie dans notre race et offerte à Dieu pour orner le reste des hommes, de même que par ces mots que nous te consacrons, sanctifie le trésor des paroles, notre cœur, et rend le lieu de notre âme stérile pour tout pêché, par la grâce et l’amour pour l’homme de ton Fils unique, notre Seigneur et Dieu et Sauveur Jésus-Christ, à qui conviennent toute gloire, honneur et adoration avec son Père sans commencement et l’Esprit Très-Saint, bon et vivifiant, maintenant et toujours et aux siècles des siècles. Amen.

Nicolas Cabasilas.

 

Splendeur du monde

Méditation effectuée par un membre de la communauté orthodoxe de La Réunion

 

Alléluia

Il existe des journées d’exception. La splendeur du Monde affleure et déborde. Leur rencontre nous enseigne le bonheur à venir. Le 15 Aout est nommé Assomption en Occident, fête de la Dormition de la Vierge en Orient. Le sens est le même : Marie qui fut choisie par Dieu, pour incarner son fils Jésus, quitte le Monde et va le rejoindre. Le tropaire de la liturgie grecque de la fête le chante : Dans ta dormition tu n’as pas quitté le monde, Ô Mère de Dieu,  tu a été transférée à la vie. Dans le cycle liturgique byzantin, cette fête est la dernière de l’année avant la nouvelle année qui commence en Septembre par l’Induction que le Patriarche Bartholomée célèbre comme une glorification de la création.

J’ai connu ce temps béni, d’une France encore digne, ou dans les villages, la procession parcourait les routes et les sentiers, faisant des stations aux chapelles, ou les chants se succédaient «  Chez nous Soyez Reine, O vierge souveraine », et tant d’Ave Maria après les bénédictions des champs. Et dans les villes ces autres processions, ou nous nous postions aux fenêtres pour jeter des pétales de roses sur les fidèles.

Je dirai à mes amis qui affirment une profession de foi d’athéisme: croire en Dieu, c’est croire d’abord, immédiatement dans la beauté du Monde qui se révèle à nous simplement. Communier à cet éclat, cet éclair, cette lumière qui surgit d’une paupière entrouverte : Beauté de la nature déployée comme un livre, de la langue qui la célèbre, des émotions qui jaillissent au delà des mots. Des figures qui émergent. Les révélations et les dogmes émanent, surgissent plus tard.

Il en fut ainsi ce jour là : une balade sur un voilier dans l’Ouest ou l’on croise la danse des baleines, les tortues qui montrent leur tête entre deux vagues et le bonheur des dauphins. Au loin les voiles rouges et blanches de ce vieux gréement norvégien, que l’on croyait condamné et qui revit comme un vaisseau fantôme. Un bonheur..! L’ile déployant ses grandes pentes, jusqu’à l’azur sans nuage. On oublierait presque les jet skis qui souillent l’Océan. Eden est là devant nous. Pourquoi ce désir forcené de le détruire ?

Plus tard près de la jetée de Saint Paul, se célèbre la messe des pécheurs. Emouvante et intense liturgie, l’une des plus belles que j’ai rencontrée ici. Marie, c’est la femme couronnée d’étoiles, un manteau de soleil et la lune à ses pieds comme la célébra en Bourbonnais le Maitre de Moulins, Celle qui affronte le Dragon rouge de l’Apocalypse, lecture du jour, mais c’est surtout la Stella maris, Notre dame du Port ; celle que l’on invoque dans la détresse de la tempête, celle que l’on loue à l’aurore et au crépuscule sur le Grand Océan, sur la Mer Indienne. L’effigie de la vierge est portée en procession dans une barque qui sera bénie avec toutes les autres barques. Les patrons pécheurs sont là, des réunionnais, des hommes, un peu plus vrais que bien d’autres. Le servant lit la longue litanie de ceux qui ont disparu en mer, de ceux qui ont été la victime des requins, de Sarah la jeune fille dévorée le 15 juillet dans la baie de Saint Paul.

Les pécheurs et la procession s’avancent jusqu’au bout du wharf, face à l’Océan ou l’on jette en offrande aux défunts, des couronnes et des fleurs. La chorale chante avec ferveur un beau chant de  résistance et de prière dans la tempête et dans la mort.

Au loin c’est déjà l’or du crépuscule proche, le vieux gréement se détache en filigrane sur l’horizon, retournant vers le port.

C’est déjà l’heure des Vêpres qui dans la tradition byzantine, s’ouvrent par le chant du psaume 103

Bénis le Seigneur, Ô mon âme : Seigneur mon Dieu, tu t’es grandement magnifié :

 

 Tu t’es enveloppé de louange et de splendeur…

 

Tu t’es revêtu de lumière comme d’un manteau,

 

 Tu as déployé le ciel comme une tente.

 

Sur les eaux  tu as bâti tes chambres hautes, des nuées tu t’es fais un char, tu avances sur les ailes du vent.

 

Et plus loin dans la liturgie Slavonne

Bienheureux l’homme qui ne s’est pas rendu au conseil des impies

 

Alléluia, Alléluia… Alléluia

 

Car le Seigneur connaît la voie des justes et la voie des impies se perdra

 

Alléluia, Alléluia. Alléluia

 

Lève Toi Seigneur, Sauve moi Ô mon Dieu

 

Alléluia, Alléluia. Alléluia

JF

GALYA

GALYA

Cela se passe dans l’ex URSS à  l’époque de Brejnev.

Dans un appartement situé dans un quartier populeux une fille de douze ans se mourait d’un cancer. Par deux fois les médecins avaient opéré, mais un ganglion était apparu sur sa tête et avant qu’il ne soit enlevé d’autres ganglions qui se sont métastasés sont apparus au niveau des épaules et dans les poumons. Ayant perdu ses cheveux et défigurée par les opérations la jeune fille était étendue dans la chambre, regardant par la fenêtre la neige qui tombait. A tour de rôle, son père et sa mère se relayaient à son chevet lui apportant de l’eau ou des médicaments. Elle ne pouvait plus manger ni parler. Elle chuchotait à peine de temps à autres en disant à ses parents de ne pas s’inquiéter car elle se sent mieux. Continuer la lecture de GALYA

Les obstacles à la foi

Source : http://glory2godforallthings.com/2013/06/26/obstacles-to-faith-2/

Obstacles à la foi

Mes écrits et mes pensées me portent souvent sur les « bords » – au bord de l’incrédulité et aux limites des profondeurs de la foi.  Mon ressenti pour ces lieux est un ressenti concernant les obstacles à la foi. Pourquoi certains croient et d’autres pas? Et quelle est la nature exacte de la foi et de l’incroyance?

Il y a une forme de croyance familière à tout le monde. C’est simplement la manière dont nous voyons le monde. Nous ne sommes pas particulièrement conscients de tout l’effort nécessaire à cet exercice. Nous ouvrons nos yeux, nous regardons, et nous voyons ce que nous voyons. Cette perception, cependant, peut également être assombrie par plusieurs choses. Pour certains, chaque simple perception du monde est rendue floue à cause  de la peur et l’anxiété. Les choses ne sont pas seulement ce qu’elles sont supposées être, mais elles sont également considérées comme des menaces. Si vous n’avez jamais eu cette expérience, vous êtes bénis.

Je me souviens de ma première expérience d’une grande ville – New York en 1971. Je travaillais comme un musicien de rue avec un ami. La ville était incroyable – un régal constant pour les yeux et les sens. Je n’avais rien vu de tel. Une semaine après notre arrivée, nous avons été agressés et menacés au couteau. Ce que nous avions perdu financièrement était négligeable. Ce que j’ai perdu était la ville que j’avais d’abord rencontrée. A sa place se trouvait un milieu dangereux et hostile dans lequel chaque visage était un ennemi potentiel, chaque ruelle, une cachette pour la prochaine catastrophe. Nous sommes retournés à la maison.
Bien sûr, cette «perception» du monde est tout simplement le brouillard de la psychologie. Mais il est bon de rappeler l’importance de ce brouillard dans la façon dont nous voyons les choses. Continuer la lecture de Les obstacles à la foi