Un dialogue intéressant (1/4)

 

En imaginant une paroisse fictive, Frederica Mathewes-Greene ouvre une porte vers le christianisme oriental. Qui sont les orthodoxes ? C’est une question de plus en plus présente à l’esprit des (chrétiens) occidentaux alors que les chrétiens d’Orient souffrent énormément de la persécution au point que l’avenir du christianisme dans la région semble incertain. Frederica Mathewes-Green, dont le mari est prêtre de l’Eglise orthodoxe de la Sainte Croix à Linthicum dans le Maryland (USA) fait une présentation sur l’Eglise orthodoxe dans son nouveau livre «  Bienvenue dansl’Église Orthodoxe: Une introduction à la chrétienté orientale » (Welcome to the Orthodox Church :  An introduction to Eastern Christianity) .Elle parle de sa foi et des croyances chrétiennes et recommande des pratiques qui peuvent être bénéfiques sur le plan œcuménique.

KATHRYN JEAN Lopez: Si vous aviez à résumer votre introduction à l’orthodoxie, quelle définition feriez-vous?

FREDERICA MATHEWES-GREEN : «Pourquoi la foi chrétienne indigène en Afrique, en Asie et en Europe de l’Est a si peu changé au cours des siècles? C’est parce que cela fonctionne. Venez et voyez ». Mais si je pouvais rogner le nombre de caractères j’ajouterais quelque chose de succinct qui se terminerait par « Vous ne croirez pas ce qui est arrivé ensuite. . .  »

LOPEZ: Qui sont les orthodoxes? Je pense que les gens deviennent très confus ici lorsque les choses se déplacent vers l’orient.

MATHEWES-GREEN: Prenons une carte. Ouvrez votre main gauche, la paume tournée vers vous, et affectez le pouce à Rome, et les doigts à Constantinople, Antioche, Jérusalem et Alexandrie. Ce sont les cinq villes les plus importantes du christianisme primitif ; mais les différences culturelles et théologiques ont progressivement conduit à une scission entre Rome et les quatre autres villes. L’orthodoxie chrétienne est la foi qui a continué dans ces terres plus à l’est. Et de là elle a diffusé    dans le monde, avant de venir en Amérique en 1794, avec des moines russes qui ont traversé le détroit de Béring pour apporter l’Evangile aux indigènes de l’Alaska. Les Eglises désignées comme «orthodoxe grecque», «orthodoxe russe», et ainsi de suite, appartiennent à la même Eglise Orthodoxe dans le monde ; ce ne sont pas des différentes confessions. Cela est analogue aux églises catholiques dans le 19ème siècle (aux USA), où l’on pouvait dire : «Voilà l’église catholique irlandaise, et celle-ci est l’Église catholique française ». Avec le temps, elles sont devenues des églises simplement américaines, et nous nous attendons à un processus similaire (avec les Eglises orthodoxes). Le culte dans les églises américaines (orthodoxes) est la plupart du temps en anglais.

LOPEZ: Vous écrivez que «l’orthodoxie n’est pas d’abord une institution religieuse, mais un chemin spirituel. » Y at-il un danger que cette voie ouvre le chemin vers l’absence d’appartenance religieuse ?

MATHEWES-GREEN : Moins maintenant qu’il y a dix ans, je crois. Comme le profil de l’orthodoxie chrétienne s’est affermi, il y a donc conscience de sa position traditionnelle sur les questions morales, ce qui la rend moins attrayante pour certains. En outre, ce n’est pas une de ces voies spirituelles confortables d’affirmation de soi. L’orthodoxie est exigeante ; elle est construite sur le principe que nous devons changer, que nous avons besoin d’apprendre l’humilité et à mieux résister au péché. Beaucoup de gens aiment l’idée d’être «transformés», mais ils ne veulent pas vraiment changer.

LOPEZ : Vous écrivez que « la chose la plus importante dans l’orthodoxie est la sainteté – la présence intérieure de Jésus-Christ qui transforme nos vies quotidiennes. » Voir la sainteté est ce que les gens attendent des chrétiens n’est-ce pas ? Pourquoi croyez-vous que les orthodoxes la réalisent mieux ?

MATHEWES-GREEN : j’aime ce que vous dites à propos des personnes qui ont besoin de voir la sainteté. Voilà qui est différent du chemin que des églises ont pris, de personnes qui pensent avoir besoin de voir le bonheur, ou se divertir, ou être réconfortés. Cependant la sainteté est un autre nom pour la vie du Christ en nous ; et cela est le but même du christianisme, se remplir de la lumière du Christ. Je veux dire que cela est valable pour tout le monde, pour les gens ordinaires, et pas seulement les mystiques. Voilà sur quoi l’orthodoxie met l’accent ; l’orthodoxie est la science qui enseigne la façon de devenir un avec le Christ, c’est un processus basé sur l’expérience des saints, hommes et femmes partout dans le monde depuis 2000 ans. Mais je ne peux pas prétendre que les orthodoxes  » réalisent ceci mieux. » Les gens vont à l’église pour des raisons différentes. Il ne suffit pas de posséder des connaissances sur la façon de faire quelque chose, vous devez effectivement les mettre en pratique. Mais il y a assez de gens qui relèvent le défi, et suivent le chemin, ce qui nous encourage à essayer. En observant des saints contemporains comme St. Paisios(+1994) ou Sainte Gavrilia (+1992) [Mère Gabrielle Papayannis] – nous pouvons voir par nous-mêmes que le programme fonctionne. Cela vous donne envie de faire un essai.

Je pense que l’influence des chrétiens dans la vie américaine continuera à décroître. Nous avons fonctionné pendant si longtemps avec l’hypothèse que nous avons un rôle à jouer dans la sphère publique, si toutefois nous agissons doucement et respectueusement ; mais le temps arrive où être étiqueté comme chrétien sera une bonne raison pour nous ignorer. Je ne prédis pas des persécutions comme sous l’Empire romain, mais nous allons faire face à l’augmentation du rejet social, la moquerie et le mépris. Lorsque ce moment arrivera, ce qui va compter sera le feu de la foi à l’intérieur du cœur de chaque personne. Alors quand une personne va dire, «Je suis un chrétien » alors cela signifiera quelque-chose parce que ce sera si facile, si tentant de dire : «Je ne Le connais pas ». La Sainteté va réellement importer. J’espère qu’une église qui propose un moyen exigeant et une transformation de la façon de vivre, un moyen qui a été confirmé à l’épreuve, aura un rôle à jouer.

LOPEZ: Comment la vie dans le Christ diffère de la vie sans Lui?

MATHEWES-GREEN: Dans le livre, je dis que les orthodoxes n’ont pas eu beaucoup de pratique dans l’explication de leur foi aux autres chrétiens, et donc ne sont pas familiers avec la plupart des controverses théologiques historiques de l’Occident. Mais ils ont beaucoup d’expérience avec les non-chrétiens (les Perses, les Mongols, les musulmans, les communistes), et ils « savaient bien comment la vie en Christ diffère de la vie sans Lui. »  Maintenant que vous me le demandez, je ne sais pas vraiment comment l’exprimer ! Le Christ est la Vie. C’est avoir le Créateur de l’Univers avec vous. C’est avoir la source de tout amour avec vous. C’est au-delà de toute description. Et c’est vrai, palpable et réel. J’ai eu une expérience de conversion miraculeuse, il y a 41 ans. Je faisais de l’auto-stop à travers l’Europe (à l’époque, je me considérai comme étant hindou), et je suis allé dans une église pour la visiter. Je regardais une statue de Jésus, et puis j’ai eu le sentiment d’être submergée par Sa présence avec moi, en moi. Je I’ ai « entendu » me parler (pas avec mes oreilles, mais dans mon intérieur). C’était un peu effrayant, et aussi vraiment merveilleux, et cela a retourné mon monde de fond en comble. Depuis, tout ce que j’ai souhaité c’est d’être plus proche de Lui – de rester en Sa présence. Quand je suis devenu orthodoxe il y a quelque 22 ans, je fus étonnée de constater que c’est la seule chose nécessaire tous comptes faits. C’est un moyen, un programme, une science, celle de l’union avec Dieu – 2000 ans de sagesse sur la façon certaine, saine, de vivre l’accroissement de la présence du Christ. Voilà pourquoi je suis heureuse dans l’orthodoxie ; c’est ce que je voulais toujours, et je ne savais même pas que ça existait.

LOPEZ: Vous écrivez: «Nous, les chrétiens nous savons que Quelqu’un est là. Nous savons qu’Il nous aime et qu’Il nous a promis qu’il ne nous (Matt 28:20) quitterait pas. Mais qu’en est-il des doutes ?

 

(A Suivre)

Source : http://www.nationalreview.com/article/419718/orthodox-way-knowing-god-nr-interview

Kathryn Jean Lopez est senior fellow à l’Institut National Review et  éditeur (at large) de la National Review Online.

Frederica Mathewes-Green est une orthodoxe américaine. (Voir : https://en.wikipedia.org/wiki/Frederica_Mathewes-Green)