Un dialogue intéressant (4/4)

 

LOPEZ : Vous écrivez : «Je ne devrais pas le dire, mais le malin est vraiment mauvais ». Pourquoi le dites-vous de toute façon ?

MATHEWES-GREEN : Je trouve que certaines personnes, même des chrétiens conservateurs, sont surpris que les orthodoxes croient en la réalité du diable. Il semble pour beaucoup que le diable est une superstition – et la façon dont on l’imagine est peut-être une superstition – mais je crois qu’il est réel que nous devons en être conscients et préparés. Je pense que la raison pour laquelle le diable a été exclu de la pensée chrétienne occidentale provient de ces nouvelles idées, mentionnées ci-dessus, à propos de ce que la souffrance du Christ sur ​​la croix signifiait. Au lieu de l’idée ancienne que le Christ est mort et ressuscité pour nous libérer du mal, la nouvelle idée était que le Christ est mort pour payer le Père la dette de notre péché. Le diable n’est pas une partie essentielle de cette histoire, car il s’agit maintenant d’une transaction entre le Père et le Fils. Je tiens à souligner la réalité du diable ici parce que je trouve que, quand je vous écris au sujet du diable, les gens imaginent parfois juste un personnage comique dans un costume rouge, un personnage qui n’existe pas vraiment. Je trouve que c’est une bonne idée de prendre un moment pour expliquer qu’il y a un diable et qu’il existe.

LOPEZ : Comment est-ce que le Christ est celui qui nous guérit et qui nous sauve ? Et pourquoi est-il important de comprendre ces deux aspects à la fois ?

MATHEWES-GREEN : Il y a un équilibre délicat entre les divers éléments du salut : le Christ nous libère de la captivité, il nous guérit et restaure notre être de la maladie du péché, il offre un sacrifice au Père, il vainc le mal – tout cela et plus. Je pense que nous avons besoin de comprendre l’intégralité du salut (dans la mesure où nous le pouvons), car nous avons notre propre rôle à jouer. Le salut est dynamique, et nous avons besoin d’y entrer pleinement.

LOPEZ : Pourquoi les reliques sont importantes dans la vie du chrétien orthodoxe ?

MATHEWES-GREEN : Les reliques des saints sont importantes parce que la réalité matérielle est importante. Le salut n’est pas un processus qui exalterait le spirituel et qui ignore ce qui est matériel car Dieu remplit le monde matériel. Voilà pourquoi Dieu fait des miracles, parce qu’il se soucie de notre vie physique et du monde matériel que nous habitons.  La croissance en Christ signifie devenir un avec Lui : c‘est un processus qui engage le corps ainsi que l’âme. Les saints sont de puissants intercesseurs, et sont souvent utilisés comme agents de miracles. J’ai remarqué il n’y a pas si longtemps, que les orthodoxes ne parlent pas d’un saint comme d’un «mystique», mais comme d’un «faiseur de merveilleux » (thaumaturge).  Un saint ne grandit pas dans la présence de Dieu pour acquérir ses propres expériences, mais pour les autres, pour ceux qui ont besoin de ses prières. La vie d’un saint n’est pas pour lui seul, mais pour d’autres. Parce que Dieu est amour, plus la personne se remplit de la présence de Dieu, plus elle prie pour les autres, et les miracles suivent. Quand Dieu a si bien rempli quelqu’un dans cette vie, aussi bien le corps et l’âme, les effets peuvent persister après la mort. Il y a un exemple de cela dans l’Ancien Testament : «Comme un homme était enterré, voici, qu’on aperçut une bande de maraudeurs, et l’on jeta l’homme dans la tombe d’Elisée ; et dès que l’homme a touché les os d’Elisée, et il reprit vie, et se leva sur ​​ses pieds » (2 Rois. 13:21)

LOPEZ : Vous soulignez dans votre livre que 70 pour cent des membres du clergé dans le Patriarcat d’Antioche (aux USA) sont des convertis. Qu’en est-il à propos de l’évangélisation que les orthodoxes ont en panne chez eux ?

MATHEWES-GREEN : Je ne pense pas que ce soit le résultat de l’évangélisation. Ce sont surtout des membres du clergé qui ont fait leur propre chemin dans l’orthodoxie, insatisfaits de leur ancienne dénomination pour une raison ou une autre, et à la recherche d’une ancienne église immuable. Et je ne pense pas que le nombre de convertis soit particulièrement élevé ; c’est juste que il y a une étonnante proportion (de prêtres) parmi eux. Je comprends mal les statistiques mais je pense qu’il y a encore plus de clergé converti que de laïcs. Peut-être parce les membres du clergé sont plus susceptibles d’être au courant des changements dans les enseignements et de la pratique de leur dénomination. Et peut-être parce les gens du clergé sont généralement plus intéressés à lire la théologie et l’histoire de l’Eglise que les laïcs, et ils continuent à creuser jusqu’à ce qu’ils trouvent ce qu’ils recherchent. La plus forte proportion de convertis révèle aussi une plus faible proportion de personnes élevées dans la foi orthodoxe, celles-ci  peuvent s’éloigner de l’église si elles croient qu’il s’agit seulement d’une question d’héritage ethnique. Il y a un certain nombre de facteurs en jeu, et je ne pense pas qu’une évangélisation géniale soit un facteur décisif.

LOPEZ : Vous êtes une convertie. Qu’est-ce que cela vous fait ?

MATHEWES-GREEN : C’était une idée de mon mari, et je suis vraiment heureuse à ce sujet. La première fois qu’il est allé à un service orthodoxe, il en est tombé amoureux. Il est venu à la maison et m’a dit qu’il avait trouvé l’église à laquelle il aimerait appartenir. Je suis allée avec lui au service de la semaine suivante, et je n’ai rien trouvé que je puisse aimer. C’était comme si nous avions assisté à deux films différents. Au cours des deux années suivantes, il a juste continué à lire et étudier, visiter des églises orthodoxes, et me dire comment elle était merveilleuse. J’étais sceptique, mais je suis finalement arrivée à un point où je lui ai dit, « Il est évident que tu vois quelque chose que je ne vois pas – mais je crois que tu vois réellement quelque chose. Donc, je suis prête à essayer ». Une fois que nous avons été chrismés, bien que (avec trois enfants, 11 à 16 ans à l’époque), j’ai commencé à « saisir ». C’était une église entièrement différente de celle que je connaissais avant ; elle a une idée tout à fait différente de ce en quoi consiste le christianisme. Elle avait une non-considération vivifiante pour mes opinions et préférences. Je pense que la persévérance et l’objectivité font partie de ce que les hommes aiment à son sujet, et pourquoi (on pourrait dire que c’est anecdotique) les hommes sont attirés à l’orthodoxie plus immédiatement que les femmes. Je connais beaucoup d’autres femmes qui pourraient dire, « Mon mari m’a traîné ici alors que je me débattais et criait » mais une fois qu’elles comprennent de quoi il s’agit, elles aiment l’orthodoxie autant que les hommes, et pour les mêmes raisons.

LOPEZ : Vous écrivez : «Nous devons écouter ce que les gens rapportent de leurs expériences avec le Christ de la même façon que nous écoutons les expériences d’une salle remplie de chirurgiens cardiologues. Certaines des expériences rapportées peuvent être communes à tous, certaines expériences seraient arrivées à la moitié d’entre eux et certaines à quelques-uns seulement. Mais plus de gens nous font part de leurs expériences mieux çà vaut car un grand nombre de récits vont nous donner des informations plus détaillées et fiables. Quelle a été votre expérience ?

MATHEWES-GREEN : L’histoire que j’ai racontée, à savoir que j’ai entendu la voix du Christ dans l’église à Dublin est l’une des toutes premières, mais il y avait quelques indices et signes avant cela, et dans les 41 ans qui ont suivi, il y en a eu beaucoup plus. Je garde un journal personnel, et je pense que je pourrais écrire un livre sur toutes les expériences que j’ai eues, en passant au crible tous ces cahiers pour les incidents, les miracles, et « mots » que j’ai reçus. Je sais qu’il est sage d’être attentif à la possibilité d’une auto-illusion, ou même d’une mauvaise influence déguisée comme «un ange de lumière ». Ce serait un bon exercice pour moi, et peut-être intéressant pour d’autres, d’examiner toutes ces années et toutes ces expériences.

LOPEZ : Que pourrait notre culture américaine permettre d’apprendre de l’Eglise orthodoxe ?

MATHEWES-GREEN : Peut-être la chose la plus importante serait le sérieux de la foi chrétienne. Ou bien est-il préférable de parler du sérieux de la vie. Je secoue ma tête d’étonnement parfois en observant le degré de stupidité atteint par notre vie commune (dans la société). Cette vie tourne autour des vidéos drôles et des célébrités. Même nos controverses, même nos tragédies, sont traitées comme divertissement. D’innombrables générations de nos ancêtres ont travaillé et se sont sacrifiés œuvrant pour ce monde prospère sûr et confortable dont nous jouissons aujourd’hui. Et, une fois cet objectif atteint, regardez comment les gens veulent passer leur temps. Vous avez envie de rire et de pleurer en même temps. Donc, je souhaiterais qu’au moins quelques personnes, réfléchissent sur la nature éphémère de la vie, et de la certitude de la brisure et de la souffrance qui arrive dans la vie de tout le monde tôt ou tard. Je souhaite que cela les motive tout d’abord, à respecter leurs engagements et de rester fidèles envers ceux qui dépendent d’eux. La fidélité que vous donnez est la fidélité dont vous aurez désespérément besoin un jour. Et s’ils passent aussi du temps à réfléchir sur ce qui se trouve au-delà de la vie et de la mort, et pourquoi nous avons été mis sur cette planète tournante, et de ce que cela signifie- j’espère qu’ils tiendront compte de Jésus-Christ. Le connaître est le point central de toute la foi chrétienne. Et l’orthodoxie est un ensemble de sagesse éprouvé par le temps sur la façon de le réaliser. Nous sommes en mesure de maintenir une telle sphère publique transparente divertissante à cause de notre désir féroce pour l’indépendance. Le revers de la médaille de l’indépendance est l’isolement, alors quand quelqu’un tombe dans la tristesse ou la difficulté, il tombe hors de la vue, et la fête continue. Il y a beaucoup de souffrance ; Je pense que la solitude est une épidémie. Mais, beaucoup plus qu’auparavant, les gens souffrent seuls. Quand ils atteignent les moments difficiles de la vie, tout ce qu’ils ont est la liste des vidéos préférées. Ils ont des «amis» qui comprennent «l’amitié» comme s’il s’agissait de cliquer sur ​​un bouton .L’amitié était beaucoup plus que cela.

LOPEZ:  Qu’espérez-vous chaque lecteur prenne de votre livre? Voulez-vous que votre « Bienvenue » soit une étape, dans la grâce de Dieu, vers l’unité chrétienne, même si votre livre parle de différences ?

MATHEWES-GREEN : Quand je rencontre des gens dans d’autres confessions qui aiment Jésus, et quand je lis des histoires de gens qui l’aimaient à d’autres époques ou dans d’autres cultures, je vois que l’unité donnée par Dieu est déjà là. Il est Un, et nous sommes uns en Lui. L’orthodoxie n’est pas la seule façon d’acquérir cette unité avec lui, mais j’ai trouvé que c’est une manière efficace, cela fonctionne, et elle est accessible aux gens ordinaires dans toutes les étapes de la vie. Mais si les gens viennent à lui, ils viendront tous au même endroit, ils se rassemblent, et le Christ fait de nous une unité.

LOPEZ : Envers quoi êtes-vous le plus reconnaissant ?

MATHEWES-GREEN : Je suis très reconnaissante pour le salut. Je suis reconnaissant que Jésus m’ait parlé, il y a 41 ans. Je ne le méritais pas. Je suis heureuse.

Source : http://www.nationalreview.com/article/419718/orthodox-way-knowing-god-nr-interview

Kathryn Jean Lopez est senior fellow à l’Institut National Review et  éditeur (at large) de la National Review Online.

Frederica Mathewes-Green est une orthodoxe américaine. (Voir : https://en.wikipedia.org/wiki/Frederica_Mathewes-Green)

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