Entretien avec le P. Roman BRAGA (2) : LA PRISON

SUITE  DE  L’ENTRETIEN
Source: http://www.pravmir.com/god-is-always-with-you/#ixzz3ZHlcEzTl

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L’Archimandrite Roman BRAGA avec Jessica Precop qui a mené l’interview

 

L’Archimandrite Roman [Braga], 93 ans , du monastère de la Dormition s’est endormi dans le Seigneur peu avant minuit le soir du mardi 28 Avril 2015.

Jessica Precop | 2 mai 2015

Au début de mai 2012, Jessica Precop  [ de la part du département de la jeunesse de l’OCA ( Orthodox Church in America) des jeunes adultes et du ministère dans les Campus de l’Amérique],  s’est rendue au monastère de la Dormition de la Mère situé à Rives Junction, MI, afin d’interviewer l’archimandrite Roman [Braga], qui a grandi et a servi en Roumanie sous le régime communiste. Le Site de l’OCA a réimprimé l’interview en souvenir de l’archimandrite Roman.

 

Pouvez-vous nous dire ce qu’était la vie d’un chrétien sous un régime communiste?

 

En tant que chrétien, vous deviez faire de nombreux compromis. Par exemple, vous aviez des enfants et ils devaient aller à l’école. Et quand Ils étaient à l’école on leur disait qu’il n’y a pas de Dieu, qu’il ne faut pas prier, qu’il ne faut pas porter une croix autour du cou, qu’il ne faut pas aller à l’église. Et puis les enfants quand ils rentraient chez eux, ils voyaient la grand-mère qui priait avec eux en faisant le signe de la croix. Nous gardions cette vie chrétienne dans la famille. Rien ne devait être apparent. Vous n’aviez pas le droit de montrer que vous meniez une vie chrétienne.

 

Qu’est-il arrivé aux églises et monastères sous le régime communiste?

 

Les églises étaient tolérées parce que la Roumanie était essentiellement un pays très majoritairement orthodoxe. L’Eglise a été très forte, et le régime communiste ne voulait pas risquer quoi que ce soit. Beaucoup de monastères, cependant, ont été fermés. Seuls ceux qui ont été déclarés monuments historiques sont restés ouverts, et les Roumains étaient heureux parce que presque tous les monastères étaient des monuments historiques. Le régime communiste a transformé les monastères en musées, et ils ont gardé quelques moines ou moniales comme guides touristiques afin de garder et prendre soin des musées et des bibliothèques ainsi que les archives énormes que les monastères possédaient. Ainsi les églises qui étaient dans les monastères ont également été maintenues ouvertes. Il y avait, cependant, un décret- le décret N ° 410 -par lequel le gouvernement communiste a fermé tous les monastères qui ne sont pas des monuments historiques,  et qui par ailleurs forçait tous les moines et les moniales de moins de 50 ans de quitter les monastères et d’aller travailler pour l’Etat. Seuls les vieux moines ont été autorisés à rester dans les monastères pour les garder ouverts au titre des monuments historiques, ainsi ils ont gardé le cycle liturgique de l’Église -Matines, Vêpres et la Divine Liturgie- et ils ont gardé toutes ces choses et ont pris soin d’eux-mêmes. Et parce que les gens en Roumanie étaient chrétiens, ils sont allés à l’église dans les monastères et ils aidaient ces vieux moines et moniales. Les communistes ne pouvaient pas contrôler cela, mais ils ne sont pas tellement intéressés par les gens simples, ils se sont intéressés en particulier à la classe intellectuelle parce que c’est la classe intellectuelle qui crée les tendances et la culture.

 

Le régime communiste a persécuté l’Église catholique romaine, car elle était minoritaire et concernait surtout les étrangers. La Roumanie étant à 90% d’orthodoxes,on a persécuté la plupart des autres dénominations en prenant leurs biens et en les expulsant. Avec l’orthodoxie, ils n’osaient pas aller trop loin, alors ils retiré les jeunes des monastères. Les personnes âgées pouvaient rester, les églises des monastères étaient ouvertes et les cycles liturgiques ont continué sans interruption. Pendant ces périodes, la vie monastique était toujours en cours, mais elle ne se développait pas, mais au moins elle a été maintenue.

 

Comment vos propres luttes avec le gouvernement communiste ont impacté votre vie spirituelle.

 

Les communistes ne pouvaient pas contrôler ce qui est à l’intérieur de vous, mais vous ne pouviez pas exprimer ce que vous pensiez. Vous étiez incapable d’exprimer votre opinion, non seulement comme un moine ou un prêtre ou chrétien, mais comme un intellectuel en général. Pas tous les intellectuels en Roumanie sous le régime communiste étaient communistes. Pour survivre, ils ont été obligés de dire une chose, mais ils croyaient autre chose en eux-mêmes. Donc, ils ont mené une double vie. Ce qui était dans leurs esprits et leurs âmes, leurs convictions, étaient une chose, mais ce qu’ils exprimaient à haute voix était une autre. C’était une question de survie. Ce fut une vie très difficile . Ce n’était pas comme ici, où vous n’avez pas peur. Vous n’avez pas peur d’exprimer votre opinion, ce n’était pas comme ici. Les gens disaient exactement ce que le gouvernement leur  demandait de dire pour pour avoir un emploi, pour être un enseignant, pour exercer une profession, afin d’être en mesure de fournir aux besoins de leurs familles et de leur assurer le pain quotidien. Mais ce qu’ils pensaient et croyaient, les communistes ne pouvaient pas le contrôler.

 

D’une certaine façon, nous étions heureux en prison. Malgré toutes les tortures physiques, elles ne changeaient rien. Vous souffriez à cause de ces tortures et vous pouviez laisser votre vie. Mais la prison communiste était pire que la torture physique. Ils voulaient vous garder à la frontière du normal et de ce qui n’est pas normal, mais ils ne pouvaient pas contrôler ce qui était à l’intérieur de vous. D’une certaine façon, pour un prêtre, la prison communiste était bonne parce que là, en prison, nous étions en train de prier. Une fois que vous êtes reconnu coupable, de «crimes» que vous n’avez pas commis, vous étiez placés dans une cellule; il n’y a rien d’autre. Ils plaçaient les intellectuels, et surtout les prêtres , en confinement solitaire pendant au moins un ou deux ans, et d’une certaine façon, cela était nous était très convenable. Ne pouvoir aller nulle part, ne pas avoir la possibilité de regarder par la fenêtre parce qu’il n’y avait pas de fenêtres dans les cellules d’isolement, eh bien il fallait regarder quelque part. Et donc vous rentriez à l’intérieur vous-même, à l’intérieur de votre cœur et de votre esprit pour faire un examen de soi, pour comprendre qui vous êtes et pourquoi Dieu vous a amené dans ce monde. Vous vous interrogiez sur l’existence de Dieu, et vous vous posiez des questions sur votre relation avec Dieu.

Lorsque nous étions libres, nous ne disposions pas de temps pour nous poser ces questions. Notre foi était superficielle, parce que vous pouvez apprendre beaucoup de choses et vous pouvez avoir une tête remplie  comme une encyclopédie, pleine de toutes les connaissances, mais si vous ne vous connaissez pas vous-mêmes et qui vous êtes, même si vous savez tout ce qu’il y a dans le monde, alors vous restez à la surface des choses si vous ne vous demandez pas « Pourquoi est-ce j’existeet «Quel est le but de ma vie?» et «Pourquoi Dieu m’a-t-il crée?» et si je suis quequ’un qui croit en Dieu alors qu’est-ce que Dieu veut de moi? »

Vous ne vous demandez pas ces choses quand vous vivez dans la liberté, parce que vous êtes pressés de faire beaucoup de choses, de lire beaucoup de livres, et vous devenez l’esclave des livres, l’esclave des connaissances, des concepts, de la philosophie, et ainsi de suite. Vous n’avez pas le temps de méditer sur qui vous êtes. Lorsque vous êtes libre, vous êtes comme les citations des livres. En prison, on ne nous a pas autorisé d’avoir des livres. En onze ans, je n’ai pas vu un crayon ou un morceau de papier ou un livre, et cela s’appliquait non seulement à moi, mais à tous les intellectuels et à tous les prêtres. Les communistes donnaient des livres et des documents à lire aux  gens simples parce qu’ils voulaient les convaincre de devenir communistes. Ils voulaient, cependant que les intellectuels soit transformés en bêtes, pour qu’ils deviennent comme des animaux. Le fait intéressant est que cela n’a pas eu lieu. Au lieu de cela, vous devenez vous-mêmes parce-que vous avez commencé à vous examiner. Une fois que vous étiez hors de la prison, ils craignaient que vous ne fassiez  de la propagande en racontant aux autres ce qui était arrivé en prison, et ainsi de suite, c’est pourquoi beaucoup d’entre nous ont été expulsés du pays pour que nous ne puissions pas dire aux autres ce qui se passait en prison.

 

 

Comment avez-vous été témoin du Christ dans la prison?

(à suivre)

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