GALYA

GALYA

Cela se passe dans l’ex URSS à  l’époque de Brejnev.

Dans un appartement situé dans un quartier populeux une fille de douze ans se mourait d’un cancer. Par deux fois les médecins avaient opéré, mais un ganglion était apparu sur sa tête et avant qu’il ne soit enlevé d’autres ganglions qui se sont métastasés sont apparus au niveau des épaules et dans les poumons. Ayant perdu ses cheveux et défigurée par les opérations la jeune fille était étendue dans la chambre, regardant par la fenêtre la neige qui tombait. A tour de rôle, son père et sa mère se relayaient à son chevet lui apportant de l’eau ou des médicaments. Elle ne pouvait plus manger ni parler. Elle chuchotait à peine de temps à autres en disant à ses parents de ne pas s’inquiéter car elle se sent mieux.

Son père allait d’une clinique à une autre consulter les spécialistes. Il savait que sa fille était condamnée, malgré cela il avait le secret espoir de la guérir en cherchant du côté de ceux qui soignent par les plantes ou du côté des parapsychologues. Mais personne ne pouvait l’aider.

A l’issue de ces essais désespérés il rencontra un inconnu à qui il confia son désespoir. Cet homme, qui avait la cinquantaine, adolescent attardé, prit le père chez un vieil ami d’école à lui [qui est celui qui a mis sur écrit cette histoire]. Ainsi [c’est celui qui écrit cette histoire qui s’exprime], est entré dans ma chambre un homme épuisé, désespéré mais qui gardait quand même sa dignité. Pouvais-je aider sa fille ? Je savais qu’en ce qui concerne ce qui est d’une importance absolue j’avais une réponse, mais qu’elle était difficile à dire directement de façon brutale. A la fin je me décidais à la lui donner. J’ai vu alors dans sa douleur, à travers les larmes qu’il essayait de retenir, son incrédulité tintée de crainte. Il m’a répondu : « Baptiser ma fille ? A quoi bon ? Qu’est-ce que ça va lui faire ? ». Je ne suis pas prêtre mais un homme ordinaire qui « travaille et qui est lourdement chargé ». Cela ne faisait pas longtemps que je m’étais tourné vers le Christ, à Son enseignement qui contient toute la vérité définitive. De plus j’étais de plus en plus convaincu que Notre Seigneur Jésus-Christ était parmi nous puisqu’Il est apparu aux hommes.

Et à présent une jeune fille était en train de mourir. Etait-il possible de cacher à son père- incroyant et membre du parti- que l’état éternel de l’âme de sa fille que je ne connaissais pas dépendait du fait qu’elle soit baptisée ou non ? Il n’y avait pas le temps de faire de longues discussions. Pas le temps d’expliquer que les meilleurs, les plus innocents des enfants pouvaient souffrir à cause des pêchés de leurs parents ou ancêtres. Chaque instant était précieux. Je lui ai dit : « Allez à l’église et demandez un prêtre. Vous devez aussi préparer votre fille ». Il n’avait pas d’autre enfant. Il se tint perplexe, hésitant sur ce qu’il devait faire, écrasé peut-être par une autre douleur. L’ami qui m’avait amené le père désespéré dit alors « Peut-être que je peux donner mon Nouveau Testament ? ».

Oui, lui répondis-je. Du moment que la fille est consciente. Il faut lire  sans interruption les chapitres successifs.

Alors l’ami donna (au père) le Nouveau Testament que je lui avais offert en cadeau il y a un an et demi.

Deux jours plus tard cet ami me téléphona et m’annonça abattu : «Il n’y a rien à faire. La fille ne veut pas entendre et les parents sont opposés (au baptême) ».

Et dans quel état se trouve la fille ?

-Etat très critique. Elle est sous oxygène.

-Où étais-tu ? Tu l’as vue ?

-Non.

-Comment s’appelle-t-elle ?

-Galya.

J’ai commencé alors à prier pour Galya. Je ne pouvais rien faire d’autre. La journée tirait à sa fin. Et je ne pouvais m’empêcher de penser à cette jeune fille qui m’est inconnue et qui était en train de mourir…

Cette même soirée, à 9h mon ami me téléphone.

« Son père m’a contacté. Ils sont d’accord. Galya est d’accord. Où trouver un prêtre ? ».

Il était 9h du soir. Dans les églises les offices sont terminés. J’ai téléphoné à un prêtre que je connaissais et qui servait un peu loin de la ville. Il était peu probable qu’il soit chez lui. Mais il était chez lui ! Il venait juste d’arriver. Sa voix était un peu fatiguée mais ferme.

« Vite. Viens me prendre. Où devons-nous nous rendre ? ».

J’ai alors téléphoné à mon ami qui à son tour a téléphoné aux parents de la jeune fille. Il fallait se rendre dans les environs de la ville près de la rocade qui sert de déviation pour contourner la ville. Il neigeait. Mon ami est arrivé en taxi et nous voici en route…J’avais la sensation de la force magnétique du temps, force qui s’est introduite dans cette chaîne d’évènements causals, il fallait qu’après de longues années je rencontre à nouveau mon ami d’enfance à l’école, que je lui donne un Nouveau Testament, qu’il rencontre le père de la jeune fille , qu’il me fasse faire sa connaissance, et que de mon côté je connaisse ce prêtre qui était à cette heure chez lui ! Et le voici (le prêtre), nous attendant au bord de la route couvert de neige. Il s’engouffre dans le taxi… Nous avons roulé un bon moment et pris un peu de temps pour trouver la bonne adresse. Nous arrivons. Nous montons dans l’ascenseur. La porte de l’appartement était ouverte…Le silence régnait. Nous voyons la mère sortir d’un corridor étroit. Ses yeux sans larmes exprimaient un sentiment inattendu d’étonnement jusqu’à l’engourdissement. Nous devions comprendre pourquoi un peu plus tard…

Il arriva qu’à midi, le père changea un peu d’attitude, il s’assit près de sa fille et ouvrant l’Evangile lui parla un peu du baptême. Mais la fille agonisante ne voulait rien entendre à ce sujet. « Eloigne-toi de moi, lui a-t-elle dit, ne reviens pas. Appelle maman. Je suis membre des jeunesses communistes et je ne veux pas entendre parler de baptême. Vas-t-en ». Le père dépité s’en alla et appela la mère. Lorsqu’elle arriva près de sa fille, elle constata que sa fille était sur la fin. Son visage était comme de la cire, sa respiration arrêtée et ses yeux révulsés. Enserrant la tête de sa fille dans ses mains, elle lui caressait le visage…et soudain elle a senti que les paupières de sa fille ont bougé. Elle lui demande comment elle se sent. Alors Galya prit un regard direct. Son visage avait rougi.

« J’étais en train de voler. Je vous voyais tout d’en haut. Toi, papa, tout le monde. Et je voyais aussi autre chose que je ne peux dire. Vite appelez un prêtre. Vite. Sinon j’irai moi-même à l’église une fois rétablie ».

Et alors les parents ont appelé mon ami.

Nous sommes entrés dans la chambre où était étendue la jeune fille. Ce qui nous a étonnés tout de suite était l’expression de son visage. Il était impossible de croire que la jeune fille mourante avait 12 ans. C’était comme si elle était passée par tous les âges. Ses yeux étaient imprégnés d’une rare beauté spirituelle…Le prêtre se pencha vers elle et elle lui a fait un sourire. C’était comme si ce n’était pas la première fois qu’ils se rencontraient et comme si elle n’était plus chargée de l’angoisse de la mort, elle avait un si beau sourire.

Comme je craignais d’éclater en sanglots, j’ai demandé où était passé son père. Il était parti chercher des bonbonnes d’oxygène. J’ai essayé de remplir le rôle de l’assistance et j’ai fixé trois bougies allumées à un bassin rempli de l’eau à bénir. Nous étions tous conscients de participer à un mystère divin. Quelque-chose se passait alors qui dépasse la raison et l’entendement. Dans cette atmosphère les paroles des prières étaient dites…Le prêtre était tendu, et nous aussi. Par la suite le prêtre nous confia qu’il n’avait jamais vu quelqu’un recevoir le Sacrement du Saint Baptême de façon aussi consciente et réceptive. Seule Galya était calme. Ses yeux étaient attentifs, sa compréhension était totale. C’est comme si elle voyait quelque-chose que nous ne pouvions pas voir.

Cà a été fait.

Sur la maigre poitrine de Galya pendait une petite croix. Le prêtre se préparait à lui donner la Sainte Communion, apportant à ses lèvres une parcelle du Corps de Notre Seigneur dans une cuillère. Par derrière sa maman a chuchoté : «  Elle ne peut rien avaler ».

« Oui, je peux, rétorque Galya, je peux ». Elle avala la parcelle de pain et but un peu de vin. Le prêtre, entièrement rempli de compassion, avec bonté et amour, se pencha vers cette âme sans pêché qui s’apprêtait à quitter ce monde et lui dit : « Galya, prie pour nous ».

« Certainement, lui répondit la fille, pour sûr que je le sais ».

Comment pouvait-elle savoir ? Qu’a-t-elle vu durant ces instants où elle a été transportée dans l’autre monde ? Cela est un mystère.

Galya est partie le lendemain. Le 12 janvier 1981. Que sa mémoire soit éternelle.

Source : Orthodox Heritage. Vol.08, Issue 07-08 .  July-August 2010

 

 

 

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