Enseigner la théologie

Archimandrite Vassilios Papavassiliou 22 février 2013

Fr Vassilios
Une conférence donnée par l’archimandrite Vassilios Papavassiliou , Novembre, 2010.

«Les gens ne sont pas intéressés par la théologie de nos jours. Nous devons aborder  (seulement) les questions qui les concernent ». Je ne sais plus le nombre de fois où j’ai entendu des commentaires comme celui-ci, même par des membres du clergé et des théologiens. Cela semble être devenu notre mantra de la défaite, et nous avons en quelque sorte permis à ce monde de nous convaincre que la théologie n’est pas pertinente ou digne d’intérêt pour l’homme moderne. En conséquence, le catéchisme pour adultes ou l’enseignement religieux, dans les endroits où il n’a pas complètement disparu, est souvent réduit à une explication des symboles, des coutumes et des rites. Souvent, ces explications sont dissociées de la théologie, et les explications sont donc parfois erronées. De plus, nous sommes dans l’impossibilité d’expliquer la position de l’Eglise sur toute une série de questions qui trouvent leurs racines dans la théologie, par exemple: pourquoi un non-orthodoxe ne peut pas  prendre la communion ou tenir un rôle actif dans les sacrements orthodoxes?

Le premier défi pour la catéchèse des adultes, est donc de trouver des moyens d’amener les gens à s’intéresser à la théologie et à les aider à comprendre pourquoi cela est important. En outre, nous devons cesser de voir la théologie purement comme un domaine d’études universitaires, qui n’intéresse que les prêtres, les professeurs et les étudiants en théologie, et nous devons commencer à la voir pour ce qu’elle est: l’essence même de la vie chrétienne et de la foi. L’absence de la théologie chrétienne au catéchisme et l’incohérence théologique de certaines pratiques ecclésiastiques signifient que le profane moyen n’est capable de comprendre que très peu des offices liturgiques, des écritures et des règles(…)

Nous devons aborder le problème (…) le problème de ce que j’appellerais «l’analphabétisme théologique et ecclésiastique». Quel que soit le langage que nous utilisons, beaucoup de gens sont incapables de comprendre les Écritures, les hymnes et les prières de l’Eglise, parce qu’ils ne sont pas familiers avec le langage théologique de base, par exemple des termes comme  Dieu le Verbe, Incarnation, Résurrection, consubstantielle, catholique, apostolique œcuménique. Le problème du langage est donc d’abord celui de la connaissance de la langue de l’Eglise et de la théologie orthodoxe.

Il est important de trouver de nouvelles façons de faire de la théologie… et de fournir des exemples sur la façon dont la théologie a des implications directes et pratiques pour notre philosophie et son mode de vie. Par exemple, croire que Dieu est Trinité fait-il une différence à la façon dont nous vivons nos vies et comment nous traitons les autres? Et nous ne devons pas faire l’erreur de supposer que tout le monde connaît les rudiments du christianisme. Beaucoup de gens, des orthodoxes et les autres, n’ont jamais eu d’explication sur la Trinité ou l’Incarnation. Nous commettons trop souvent l’erreur de répéter des phrases bibliques qui, tout en étant vraies, ne signifient rien pour un grand nombre de gens ces jours-ci. Nous oublions que la Bible est avant tout l’Ecriture de l’Eglise, et qu’elle ne peut être bien comprise que par ceux qui croient déjà et qui ont été instruits dans la foi. « Christ est mort pour nos péchés », par exemple, ne signifie pas grand-chose à quelqu’un qui n’a pas appris quoi que ce soit à propos de la Trinité, l’Incarnation, ou la chute de l’homme.

Le deuxième défi auquel nous sommes confrontés est le processus de catéchisme lui-même. Il y a très peu de matières de référence de catéchisme ou de lectures (sur ce sujet) dans la langue anglaise. Il existe de nombreux livres et présentations de l’orthodoxie, mais ils sont toujours trop simples ou trop académiques. La réaction instinctive de nombreux membres du clergé est de dire aux gens d’acquérir une copie de «L’Église orthodoxe» par Timothy Ware. Ce livre est certainement l’un des meilleurs, sinon la meilleure, introduction écrite à l’orthodoxie en anglais (il est le premier livre sur l’orthodoxie que j’ai jamais lu et dont j’ai appris beaucoup), mais il est pour beaucoup de gens aujourd’hui trop difficile… Nous sommes confrontés aujourd’hui à de nombreuses personnes qui, bien que n’étant pas illettrées, se battent avec la langue et le style de cet ouvrage ainsi que celui  d’autres livres. Mais même quand quelqu’un comprend et aime ces livres, un enseignant qui est aussi un guide est encore nécessaire pour expliquer en termes simples et plus clairs ou plus en profondeur  le détail ce qui a été lu. Il est imprudent de dire simplement à quelqu’un de lire et de le laisser avec les livres. Les livres sont une introduction, pas une conclusion. Mais le niveau d’alphabétisation de beaucoup de gens aujourd’hui est très pauvre. Ainsi comme je suis souvent appelé pour célébrer des baptêmes, je constate que même lorsque le parrain ou le candidat au baptême sont des natifs anglophones, ils ont du mal à lire le Credo en anglais. Je peux compter sur une main le nombre de fois où j’ai entendu « Ponce Pilate » prononcé correctement ou bien lorsque quelqu’un n’a pas lutté avec le mot apostolique ou incarné.

Cela nous ramène à la question de l’analphabétisme théologique. Il ne fait pas de doute que les gens qui ont du mal à lire des textes religieux n’ont aucun problème pour lire le journal « Sun » ou le dernier best-seller, mais l’enseignement religieux a chuté de façon spectaculaire dans ce pays. On peut très bien n’avoir jamais entendu parler de Ponce Pilate, et les mots apostoliques et incarné ne sont certainement pas ceux que l’on rencontre souvent. Il ne faut pas assimiler cet analphabétisme ecclésiastique et théologique à de la bêtise, pas plus que nous devrions assimiler quelqu’un qui n’est pas familier avec l’économie avec de la bêtise s’il ne sait pas  ce que c’est que  la marge brute et le bénéfice net moyen, ou quelqu’un qui n’est pas avancé en informatique pour ne pas connaître le langage  Java. D’une part, nous ne devons pas voir de haut  nos élèves et discuter avec eux de telle sorte qu’ils se sentent traités comme des idiots… car nombre d’entre eux sont bien instruits et sont capables de comprendre des sujets complexes – mais d’autre part il ne faut pas supposer que tout le monde a eu un catéchisme adéquat à l’école. Souvent, ce que quelqu’un sait apparaîtra au cours du catéchisme lui-même, et nous devons faire en sorte que la personne se sente à l’aise en révélant qu’elle ne sait pas… En faisant le catéchisme en groupe, cette difficulté devient plus grande, parce que nous sommes alors face à une variété de niveaux, et essayer de lancer des choses à un niveau convenable pour tous n’est pas toujours facile. Dans de tels cas, il est important que la matière enseignée soit présentée d’une manière nouvelle, de sorte que ceux qui savent déjà (ou croient savoir), le sujet puissent encore s’y engager et  apprendre. En outre, il y a tellement de possibilités dans ces conditions pour corriger les idées fausses et beaucoup ont des questions telles que sur la sainte communion, les  icônes, les services commémoratifs, etc

Récemment, j’ai commencé des cours de catéchisme en groupe à la cathédrale All Saints ‘(Camden Town, Londres), tous les samedis et qui sont fréquentés par environ 10 à 15 personnes chaque semaine, dont la plupart ont entre 20 et 40 ans. Certains sont chrétiens orthodoxes grecs qui souhaitent en apprendre davantage sur leur foi, d’autres sont chrétiens non-orthodoxes qui sont curieux au sujet de l’orthodoxie, tandis que d’autres envisagent de se faire baptiser dans un proche avenir… Ce qui a été une agréable surprise au cours de  ces séances est la fascination pour la théologie que les élèves ont eu. Le contenu de (l’enseignement) que j’utilise pour les séances est en grande partie le mien, mais j’emprunte parfois à d’autres sources. En outre, bon nombre de personnes qui ne peuvent assister à ces cours reçoivent les documents écrits pour les sessions par e-mail, et suivent les leçons de cette façon. Les séances durent une demi-heure environ… plus une autre demi-heure de questions et réponses que j’essaie de rendre pertinentes par rapport au  sujet abordé. Les séances sont de vraies séances de  théologie – traitant de sujets tels que la Trinité, l’ecclésiologie, le pêché ancestral etc, mais elles peuvent être pratiques, lorsqu’elles couvrent des sujets liturgiques. Mais je pense qu’il est temps que nous commencions à envisager sérieusement un livre catéchétique pour notre Archidiocèse que tous nos membres du clergé et les enseignants pourraient utiliser pour enseigner la foi de façon systématique, ainsi que des textes simples mais complets pour nos paroissiens et les catéchumènes.

Il y a une autre forme importante de catéchisme, en dehors des cours en classe, que je n’ai pas abordé, et c’est le sermon. Le sermon est, avant tout, un catéchisme, mais malheureusement, cet aspect de la prédication a largement disparu de la liturgie… Le sermon doit toujours être instructif, qu’il s’agisse des sermons sur la lecture de l’Évangile, la Divine Liturgie ou la fête du jour. Développer une série structurée de sermons pendant une longue période de temps est difficile et prend du temps, et peut se poser un problème à cause de l’assemblée qui varie fortement d’un dimanche à l’autre. Mais les sermons sont un moyen idéal pour enseigner la Foi sur une base hebdomadaire dans le contexte du culte. C’est dans ce cas que nous pouvons travailler sur l’amélioration des connaissances théologiques des gens, avec des explications pour les  mots et les  termes tels  «La Parole de Dieu», «les Pères du premier concile oecuménique», «la Liturgie des Dons pré-sanctifiés» «Dormition», «Incarnation», et ainsi de suite. Le père George Zafeirakos et moi-même avons récemment commencé à discuter de l’idée de consacrer le sermon du dimanche à la Cathédrale de Tous les Saints à expliquer la Divine Liturgie. Ces sermons devant être donnés alternativement en grec et en anglais au cours d’une période d’un an ou peut-être de quelques mois. Nous espérons que cela peut s’avérer être une forme efficace de catéchisme liturgique.

Ce ne sont que quelques idées sur la façon de faire pour amener la théologie de nouveau dans la vie et les préoccupations de notre peuple et pour la restauration d’un degré d’alphabétisation théologique parmi les laïcs… C’est ce dont est constituée l’Église orthodoxe. Car, si Dieu devenu homme, mort pour nos péchés, puis ressuscité d’entre les  morts pour nous accorder tous la vie éternelle n’est pas de la théologie, alors je ne sais pas ce que c’est que la théologie ! La théologie doit donc être la préoccupation non seulement de quelques-uns, mais de tous les chrétiens orthodoxes. Bien que nous devions bien entendu adapter nos méthodes d’enseignement en fonction des différents groupes d’âge et des origines culturelles de notre peuple, l’enseignement orthodoxe que nous leur donnons doit être le même. La théologie est pertinente précisément parce qu’elle concerne les vérités éternelles de Dieu et de l’homme, sur l’Église et le salut du monde – des choses qui devraient sûrement concerner tous les chrétiens orthodoxes. Si cela ne les intéresse pas, alors nous devons essayer de trouver des moyens pour les introduire dans la théologie, et non pas l’écarter. Ce n’est que lorsque nous commençons à comprendre et à enseigner que la théologie est pertinente pour tous alors nous pourrons commencer à bien former nos gens dans la foi orthodoxe.

 

Fr Vassilios

Source: pravmir.com

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