Cultiver le jardin de ce monde

Ce n’est pas un hasard si l’Occident moderne, méconnaissant la doctrine patristique des énergies divines et des logoi, s’est presque exclusivement intéressé aux choses en elles-mêmes, a porté toute son attention sur la consistance purement matérielle et « naturelle » de la création et en a fait l’objet d’investigations scientifiques de plus en plus poussées. Au contraire, dans l’univers patristique et orthodoxe, sans négliger cet aspect, — il y a toujours eu des savants à Alexandrie, à Constantinople ou chez les chrétiens syriaques, — on a attaché une plus grande importance à ce qui est la signification ultime de ces réalités, à leur sens symbolique. Mais il faut ici donner au mot « symbolisme » son sens profond : le symbolisme des êtres, c’est leur capacité à manifester les intentions créatrices qui sont à l’origine de leur existence, leur aptitude à révéler la grandeur, la beauté du Créateur, et son dessein d’amour à l’égard de l’humanité.
Selon le livre de la Genèse, Dieu plaça l’homme dans le jardin d’Eden « afin de le cultiver et de le garder » (Gen, 2, 15). Ces mots sont susceptibles d’une double interprétation. Le lecteur moderne verra dans cette consigne divine donnée à l’homme une incitation à travailler pour transformer le monde, pour l’humaniser en le mettant à son service, et par conséquent en se tenant exclusivement dans l’ordre de la nature, dans l’ordre de la technique, de l’usage pratique du monde. Cette mission donnée à l’homme de cultiver le jardin est interprétée par les Pères et la tradition orthodoxe plutôt comme une invitation à la contemplation ; le travail le plus important pour l’homme consiste à découvrir dans la création le reflet de Dieu, à la percevoir comme une première incarnation du Logos divin.»
P. Placide Deseille
(in La Création – « Certitude de l’invisible »
Éditions des monastères St Antoine et Solan)
Source: https://orthodoxologie.blogspot.com/