Un témoignage

sunset saint gilles

 

Conférence sur le monachisme donnée par un prêtre de paroisse devant des moines. C’est un témoignage très intéressant qui aide le chrétien qui cherche à croître dans la foi.

 

Qu’est-ce qu’un monastère ?

Le monastère est semblable à une place forte qui combat le diable car les moines sont sa propriété (du moins c’est ce qu’il considère). Il est le prince de ce monde et les moines ont décidé de le quitter et de servir le Roi du Ciel qui est le Christ. Le diable vous veut à lui et vous lui avez déclaré la guerre, c’est pourquoi il considère que vous êtes arrogants et il va vous attaquer. C’est pourquoi on dit que la vie monastique est pleine de combats car les démons veillent sur ce qui leur appartient mais qui en réalité appartient à Dieu. Vous êtes l’armée du Ciel.

Quel est le projet des moines et moniales ? En ce qui concerne ma vie spirituelle alors que je demeure dans la cité, j’ai pris la décision qu’elle soit imprégnée de l’esprit monastique, pour que je retrouve le calme et que n’aie plus la colère. Cela veut dire que j’ai pris la décision de retourner à Dieu. Nous nous attachons aux choses mondaines, aux passions, aux plaisirs sans faire attention, non pas parce-que nous n’aimons pas Dieu, mais parce-que nous avons été éduqués ainsi dans nos familles et que nous ne connaissons Dieu qu’en paroles. Nous avons été éduqués de façon classique, routinière, Dieu étant absent (de nos préoccupations) bien qu’il y avait une partie consacrée à l’Eglise : le dimanche on nous mettait nos plus beaux habits et on nous prenait à l’église où nous passions une partie du temps à jouer, et ensuite au moment de la communion nous demandions au prêtre de nous en donner une bonne quantité car le vin était doux ! Nous n’en savions pas davantage, et puis nous avons grandi et nous n’en savions pas davantage pour autant. Mais en quoi consiste ce projet (des moines) ? De quoi s’agit-il ?

J’ai commencé à lire de nombreux livres spirituels jusqu’à ce que j’aie commencé à trouver des clés qui m’ont ouvert à la compréhension. Par exemple quand j’ai lu la phrase suivante « celui qui est né de l’Esprit est esprit et celui qui est né de la chair est chair » j’ai tout de suite pensé : je suis né de la chair puisque ma maman est chair. Mais qu’est-ce que la naissance de l’Esprit ? Et j’ai commencé à réfléchir là-dessus. Le saint apôtre Paul nous dit : « La chair et le sang (et donc la naissance selon la chair) ne peuvent hériter du Royaume des Cieux, et la corruption ne peut hériter l’incorruptibilité » et encore : « Tel est le terrestre, tels sont aussi les terrestres, et tel est le céleste, tels sont aussi les célestes ». Comment puis-je devenir à l’image de Dieu pour que je devienne céleste ?

Alors je me suis mis à la recherche à étudier et à lire pour apprendre comment devenir à l’image de Dieu, comment devenir céleste. Alors j’ai commencé à rechercher, à étudier, à lire pour essayer de comprendre ce qu’est la nature de Dieu. C’est quelque-chose de très difficile. A la fin, le Seigneur Jésus-Christ m’a éclairé. Le Christ qui est la Parole de Dieu, le Logos, nous a montré beaucoup de choses nous demandant de les comprendre en profondeur. J’ai commencé à lire les Pères de l’Eglise et les Pères qui nous ont précédé et qui ont donné beaucoup et plein d’explications…jusqu’à ce je comprenne comment parvenir à Dieu, comment devenir céleste et partager Sa divinité. Et j’ai compris que je ne pouvais atteindre cet objectif (la divinisation ou encore la sanctification) qu’en appliquant un projet de type monastique. En effet, je vous ai observé : je ne dois rien convoiter (ou désirer passionnellement quelque-chose), je dois pratiquer le jeûne et la prière, je dois consacrer ma vie à la prière, au repentir (métanoïa), aux demandes de supplication, dans le cadre d’une règle monastique, en obéissance totale et en renonçant à soi-même…je n’ai plus désiré vivre pour moi-même car c’est le Christ qui doit vivre en moi. Mais comment empêcher que les désirs passionnels jaillissent de moi ? Ces désirs passionnels ont leur origine dans ma chair, c’est la chair qui désire. « Tel est le terrestre, tels seront aussi les terrestres ». Tout ce qui est terrestre m’épuise. Je ne dois pas avoir un regard de convoitise, je ne dois pas entendre des paroles grossières, il ne faut pas que je désire manger beaucoup…comment mettre un frein à mes sens ? Alors je vous ai observé : vous fermez vos oreilles avec votre habit car vous ne souhaitez pas entendre des paroles qu’il est inutile d’entendre, lorsque je voulais vous saluer lorsque je ne connaissais pas encore ce qu’est le monachisme, j’ai remarqué que vos yeux étaient toujours baissés…Vous ne voulez pas vous mêler (aux troubles) qui viennent de la cité. Vous vivez à l’intérieur de votre monastère. Vous ne souhaitez pas entendre ce qui n’est pas de Dieu. Nous jeûnons 50 jours et vous vous jeunez de tout toute l’année : vous ne mangez pas de viande, vous n’utilisez pas les épices dans les plats…Telle est la vie monastique : je ne veux rien, je ne souhaite rien, c’est seul Dieu que je veux. Tout cela est bien beau ! Alors j’ai commencé à réfléchir là-dessus, ayant gouté à Dieu je ne pouvais plus envisager vie sans Lui, et je veux Lui devenir semblable.  Alors j’ai réalisé qu’il ne s’agissait pas seulement de prier, jeûner, supplier, verser des larmes et éprouver des sentiments ; mais qu’il s’agit d’un projet gigantesque : je dois changer (me renouveler : « métanoïa »), je dois chasser le vieil homme, l’ancien esprit qui provient du diable et qui peut être en moi sans que je ne fasse attention ! Lorsque j’étais à l’école puis à l’université je ne faisais pas attention. Lorsqu’une belle jeune femme passait à côté, je la regardais car j’étais un jeune homme. On ne m’a pas dit ce qu’il fallait faire. Je me suis demandé : qu’est-ce que l’esprit impur ? Quelle est la nature de Dieu ? J’ai fait des comparaisons et j’en suis arrivé à une conclusion : je veux être céleste comme les célestes. En d’autres termes, j’ai compris qu’il ne faut pas regarder une femme d’une façon qui ne convient pas : il faut la regarder comme si elle était ma sœur, et qui plus tard va avoir des enfants qui sont pour Dieu. Ou bien qu’elle sera une moniale qui va donner son cœur et son âme à Dieu devenant servante et épouse du Christ…Et pour que je ne la regarde pas de façon qui ne convienne pas, il faut que je veille à mon regard et le tienne ferme m’inspirant du comportement des moniales qui baissent les yeux lorsque je les salue.

Nous jeûnons cinquante jours par an et vous, vous jeunez toute l’année. Alors, qu’est-ce que le jeûne ? Le jeûne c’est renoncer à beaucoup de choses afin de recevoir les grâces, de se remplir de la grâce de Dieu. Le monachisme est donc un projet céleste : c’est le projet qui m’amène au Christ. Que je tienne en bride la chair et ses passions et que je m’emplisse de l’Esprit céleste, de l’Esprit Saint, du fait de mon amour au Christ. Je suis quelqu’un d’important ! Je suis un universitaire ! Je peux faire des conférences ! Mais en réalité, je ne suis rien du tout. Je peux être parmi des gens importants et ne pas savoir comment parler. Qui suis-je ? Le Christ Dieu a reçu des coups, il a renoncé à ce qu’Il est, et nous savons qu’Il est Dieu, et Il a obéi jusqu’à la mort sur la croix. Vous pouvez me demander : comment se peut-il que le Christ soit obéissant ? Lui qui as dit « Lazare, sors » et à qui les vents ont obéi, comment Lui peut Il obéir ?

Je ressens à l’intérieur de moi-même quelque-chose qui met en mouvement mes passions : par le jeûne j’ai limité ma gourmandise, par l’attention je refuse d’entendre des paroles salissantes, par la vue, je refuse de regarder de façon inconvenante. J’ai maîtrisé tout cela mais il y a toujours quelque-chose qui réveille mes passions ! Il y a donc quelque-chose enfoui à l’intérieur de moi et qui provient du prince de ce monde, il me fait réagir, il exerce une influence sur moi, et par un moyen étudié avec soin il agit sur moi en adaptation avec mon tempérament afin que je ne fasse pas attention à lui. La vie selon l’esprit monastique a été conçue afin de casser son emprise, et c’est pourquoi j’ai décidé de vivre ma vie selon l’esprit monastique autant qu’il m’est possible, malgré les difficultés dans ma vie quotidienne, car je n’accepte plus d’être amputé de ma nature spirituelle qui est à l’image de Dieu et à Sa ressemblance. Je ne veux plus être séparé de Celui qui a donné le Souffle de vie à Adam, Souffle qui est également en moi. Je ne veux pas que ce Souffle me soit extérieur ! Je dois Le retrouver, m’unir à Lui afin de rester avec Lui. Pour cela il n’y a que le projet monastique. Je suis prêtre, je suis donc supposé avoir lu les Evangiles. Comment me comporter dans ma paroisse ? Comment sauver des personnes qui se sont éloignées du chemin et qui sont tombés ? Le Christ qui est mort sur la croix pour eux m’a donné la mission de les aider vers le salut. Est-ce que je suis capable de parler et d’expliquer les versets (de l’Evangile) ? Est-ce que je suis capable de transmettre ce que j’ai appris à l’université ? Non, cela n’est pas suffisant. L’Esprit est nécessaire pour cela. Je dois me laver intérieurement afin que ce que je transmets soit marqué du sceau de l’Esprit. Afin de capter le cœur de ceux qui m’écoutent pour qu’ils ressentent l’enseignement et qu’ils quittent l’église en ayant acquis quelque-chose. De quoi ai-je donc besoin ? Que mon cœur soit semblable à celui d’un moine, que je ne désire rien posséder, que je ne regarde pas de façon inconvenante, que je ne reste pas en la compagnie de gens qui parlent de façon méprisante…

Une fois j’ai été invité à un repas, il y avait un énorme poisson de grand prix avec des fruits de mer délicieux à voir. Je regardai cela et j’étais à l’époque en plein milieu de ma recherche spirituelle vers Dieu. Et au lieu d’avoir envie de manger ces mets et de me dire que je n’aurai peut-être plus l’occasion d’en manger à nouveau je me suis dit : « Malheur à moi ! » Car j’avais vu quelques jours avant à la télé des images d’enfants qui mouraient de faim, des enfants à la tête squelettique et aux ventres enflés. L’image de ces enfants me revenait pendant que je regardais cette nourriture délicieuse, alors j’ai décidé de ne pas goûter à ce qui était sur la table. Mais que faire ? Il ne fallait pas causer de la peine à ceux qui m’avaient invité. Je me devais de paraître de bonne humeur. Je suis parti à la salle de bains et j’ai pleuré en demandant le secours de Dieu, le priant de me rendre malade afin d’avoir un prétexte pour fuir le repas. Sans doute qu’il s’agit d’un moment d’émotion injustifiée. Mais je ne pouvais faire autrement que de penser aux gens qui n’ont pas à manger. Je ne suis pas devenu prêtre pour jouir mais pour que les autres jouissent du Christ. Ou alors mieux vaut renoncer à la prêtrise et retourner chez moi ! Je ne pouvais plus supporter le mot de prêtre à cause des fautes commises par des prêtres : c’est comme tuer les gens, se glorifier de la croix affichée sur nos poitrines et se prendre pour des gens importants … Je me suis rendu chez le Père Elias Marcos (higoumène du monastère de Deir El Harf au Liban et endormi dans le Seigneur en 2011) ; et je lui ai parlé de cette invitation à ce repas copieux et de ce que j’avais ressenti et que je n’avais jamais ressenti avant. Il m’a dit : « c’est très bien ». Je lui ai dit : « Cela m’a épuisé, j’ai eu mal à l’estomac, j’ai eu des crampes d’estomac et j’ai fait semblant de manger. Je ne les ai pas laissés remarquer que je ne mangeais pas et j’avais pris la ferme décision de ne pas manger. Qu’en pensez-vous, vous qui êtes mon père spirituel ? ».

Il m’a répondu : « votre attitude a été une erreur ».

–  Mais pourquoi ?

– Et pourquoi toutes ces complications ? »

– Que fallait-il faire ?

-Est-ce que c’est toi qui avais préparé le repas ?

– Bien sûr que non !

– Est-ce que c’est toi qui a acheté ce poisson coûteux avec les fruits de mer ?

– Non !

–  Dieu a permis ce repas. Tu devais manger et rendre grâce. Peut-être que tu n’auras pas d’autre occasion de partager un repas comme celui-là. Dieu a permis que tu sois présent, alors mange et remercie le Seigneur. Ne complique pas les choses.

J’ai appris de cette expérience qu’il fallait manger de ce qui était offert ; que cela nous plaise ou pas. Ne pas refuser ce qui est offert, ne pas demander autre chose, et remercier le Seigneur pour Ses dons.

Toutes ces luttes pour imprégner mon cœur de l’esprit monastique étaient très dures ; elles sont aléatoires, je vis au gré de mes circonstances alors que la vie du moine obéit à une règle précise. J’ai beaucoup souffert et je suis arrivé à la conclusion que pour atteindre ce qui est céleste je dois en finir avec ce qui est terrestre et que je sois obéissant jusqu’à la mort. Ainsi, même si le P. Touma me réprimande, ce n’est pas moi qu’il réprimande mais le diable qui me poursuit et m’épuise en mon intérieur. Le P. Touma m’aime, c’est mon père (spirituel), c’est lui qui m’enseigne, il voit comment j’avance et comment le diable arrive pour me retenir et me faire marche arrière. Alors le P. Touma accourt pour l’arrêter et le réprimander, et moi dans mon manque d’intelligence, je crois qu’il me réprimande ce qui m’attriste ! Il en est de même avec Mère Myriam… (P. Touma et Mère Myriam sont respectivement higoumènes de deux monastères situés à Douma au Liban).

En fin de compte le projet monastique est un projet audacieux contre le diable car de son point de vue nous tous lui appartenons. Il nous mène et nous domine et en adhérant à l’esprit monastique nous prenons la décision de nous affranchir de lui. Alors il nous fait la guerre, mais : « Mon Dieu, c’est Ta face que je cherche ». Je ne désire pas autre que Toi. Je veux être céleste comme les célestes qui ont plu à Dieu depuis le commencement. Ma fonction de prêtre, si elle est dénuée de l’esprit monastique, est un échec. Et ma vie avec le Christ est un échec si mon cœur ne s’imprègne pas de l’esprit monastique et s’il n’est pas disposé à obéir jusqu’à la mort.

J’ai observé que le diable nous attaque le plus lorsque notre esprit cesse d’agir, de prier ou de lire. Par exemple, lorsque la Divine Liturgie se termine et que nous nous rendons à la cuisine pour préparer le repas et faire un peu de ménage…alors nous ne prions pas. Alors le diable vient et nous parle. Nous devons nous protéger pour rester avec Dieu par le moyen de la prière de Jésus, et si quelqu’un me fait une remarque désagréable, ne pas lui répondre directement mais dire « Seigneur Jésus Christ aie pitié de moi pêcheur » afin qu’il comprenne. Nous devons toujours demander la miséricorde car notre objectif est merveilleux et très élevé, il ne s’agit pas d’une plaisanterie. Il est dommage de perdre les années. Le Royaume des cieux se trouve en nous et il est dommage de perdre le temps. Mon objectif est la sainteté, pourquoi dois-je attendre 40 ans pour cela ? Pourquoi je ne peux pas atteindre cet objectif en 10 ans et l’avoir en abondance ? Pourquoi perdre mon temps et m’occuper de futilités qui n’ont aucune espèce d’importance ?…Chaque fois que je fais quelque-chose qui peut me distraire je dois dire « Seigneur Jésus-Christ aie pitié de moi pêcheur » ; nous ne devons pas perdre même une seule minute afin de ne pas céder à la tentation car le diable ne se fatigue pas surtout avec les moines et les prêtres. La lutte que mènent les moines est encore plus dure que celle des prêtres.

Le père Antoun de Deir El Harf m’a dit lorsque je me suis entretenu avec lui à ce sujet : « Mais pourquoi tu penses au diable ? Tu lui donnes ainsi de l’importance et il t’attaque. Ne pense qu’au Christ et ne t’occupes pas du diable. Il ne peut rien nous faire ».

-Je lui ai alors dit : « Comment cela ? Comment lui donner de l’importance s’il ne peut pas m’attaquer ? »

– Le diable est pareil au commerçant qui décore la devanture de son magasin, il y expose des vêtements, des chaussures etc. Il ne force pas le consommateur à pénétrer dans son magasin. Il propose et si çà plait on entre et on achète. Le diable agit pareillement, il propose mais ne force personne car il est incapable de forcer qui que ce soit. Job a été tenté sur la permission de Dieu. Le diable a demandé la permission à Dieu de tenter Job. Il ne peut rien faire par lui-même. Lorsque le Christ est passé par celui qui était possédé par une multitude de démon, une légion, alors cette multitude s’est prosternée devant le Christ et a crié d’une voix forte : pourquoi es-Tu venu avant les temps fixés pour nous tourmenter ? Cela signifie que Dieu suscite la crainte, et que le diable ne peut rien contre Lui. Ne pensez pas au diable, ne lui accordez aucune importance. Ayez votre pensée tournée vers le Christ et le salut qu’Il offre car Il veut que tous soient sauvés, que tout le monde parvienne à la connaissance de la Vérité et obtienne le Royaume.

 

Père Youhanna Habib. Le 29 octobre 2015.

Source : http://holytrinityfamily.org/ahadeeth-talks?var=AVNsxNlFecdALMhJNgtjb7r3iWPmZEQYL-drv6syuKU