Les Saints Pères : sur la maladie (1)

Introduction.

 

Chacun d’entre nous qu’il soit chrétien ou non doit s’attendre à la maladie ou aux inconvenances dans sa vie. La douleur physique est universelle ; personne ne peut en échapper. Par conséquent, combien nous souffrons de la maladie et avec quelle intensité ne compte pas autant que notre compréhension de ces infirmités. La compréhension est ce qui compte.

Pour celui qui suppose que la vie devrait être semblable à des vacances longues et confortables alors toute souffrance qui lui survient est insupportable. Mais si un homme considère la vie comme un temps de peines, de correction et de purification, la souffrance et la douleur deviennent non seulement supportables, mais aussi utiles.

Saint Ambroise de Milan dit de l’attitude chrétienne à l’égard de la maladie : «Si l’occasion l’exige, un sage acceptera volontiers l’infirmité corporelle et même offrira tout son corps jusqu’à la mort pour l’amour du Christ … Ce même homme n’est pas affecté en esprit ou brisé par les douleurs corporelles si sa santé décline. Il est consolé par sa lutte pour la perfection dans les vertus. En entendant cela, l’homme qui raisonne suivant ce monde est susceptible de s’exclamer et de dire en criant : «mais quelle idée ! Comment quelqu’un peut-il accepter facilement la maladie et la souffrance ? »

Pour un incroyant, cela est en effet incompréhensible. Il ne peut pas concilier le fait de la souffrance humaine avec sa propre idée de Dieu. Pour lui, la pensée même que Dieu puisse permettre la douleur est répugnante ; habituellement, il considère toute forme de souffrance comme un mal dans un sens absolu.

Sans l’aide de la Révélation Divine, l’homme ne peut comprendre l’origine et la cause de la douleur, ni son but. Beaucoup de gens, n’étant pas aidés à comprendre, sont hantés par la peur de la douleur, terrifiés à la pensée d’une maladie persistante, et cherchent au plus vite un remède médical parce qu’ils pensent que la maladie n’est que le résultat du «hasard».

S’il est vrai que l’infirmité vient à travers une «mauvaise chance» (cependant même le bon sens nous dit que ce n’est pas tout à fait ainsi, car beaucoup de maladies sont le résultat d’une vie immodérée), alors il est permis et même souhaitable d’utiliser tous les moyens pour éviter la douleur de la maladie et même la maladie elle-même. En outre, lorsqu’une maladie devient irréversible et terminale, la sagesse de ce monde enseigne qu’il est acceptable de mettre fin à la vie du patient – ce que l’on appelle l’euthanasie, ou «mort miséricordieuse» – puisque, selon ce point de vue, la souffrance sur le lit de mort est inutile et cruelle, et donc c’est un mal.

Mais même dans la vie quotidienne, nous savons que la souffrance n’est vraiment pas «un mal absolu». Par exemple, nous nous soumettons au bistouri du chirurgien pour avoir une partie malade du corps amputée ; la douleur de l’opération est grande, mais nous savons qu’elle est nécessaire pour préserver la santé ou même la vie. Ainsi, même à un niveau strictement matérialiste, la douleur peut servir un bien supérieur.

Une autre raison pour laquelle la souffrance humaine est un mystère pour un incroyant est que sa conception même de Dieu est fausse. Il est choqué quand les saints Pères parlent de Dieu de la manière suivante : «Si Dieu nous envoie une famine, ou une guerre ou toute autre calamité, Il le fait à cause de Sa grande bienveillance et Sa bonté» (saint Jean Chrysostome , Homélie 7, Sur les Statues).

Le saint théophore Macaire d’Optina, dans la Russie du XIXe siècle, a écrit à un ami : «Ayant une santé faible comme vous, je ne peux pas manquer d’avoir beaucoup de compassion pour votre situation. Mais la bonne Providence n’est pas seulement plus sage que nous, Elle est également sage d’une manière différente. C’est cette pensée qui doit nous soutenir dans toutes nos épreuves, car elle nous console comme aucune autre pensée ».

« Sage d’une manière différente » … Ici, nous pouvons commencer à voir que la façon de comprendre des Pères des voies de Dieu est contraire à la vision selon le monde. En fait, cette façon dont les Pères comprennent est unique : elle n’est pas spéculative, savante ou « universitaire ». Comme l’évêque Théophane le Reclus l’affirme : «La foi chrétienne n’est pas un système doctrinal, mais un moyen de restauration pour l’homme déchu». (Un moyen de guérison spirituelle). Par conséquent, le critère de la foi – de la vraie connaissance de Dieu – n’est pas un critère intellectuel. La mesure de la vérité, comme le professeur Andreyev le souligne, «est la Vie elle-même … Christ l’a dit clairement et définitivement : Je suis le chemin, la vérité et la vie (Jean 14: 6). C’est-à-dire que je suis le moyen de percevoir la Vérité : je suis moi-même la Vérité incarnée (tout ce que je dis est vrai) … et je suis la Vie (sans moi, il n’y a pas de vie) « (Orthodox Christian Apologetics). Ceci est très loin de la sagesse de ce monde.

Nous pouvons croire ou ne pas croire aux paroles du Christ sur Lui-même. Si nous croyons, et que nous agissions en conformité avec notre foi, nous pouvons alors commencer à monter sur l’échelle de la connaissance vivante comme aucun manuel ou aucun philosophe ne peut jamais donner : Où est le sage ? Où est le scribe ? Où est le disputeur de ce siècle ? Dieu n’a-t-il pas choisi les choses folles pour rendre confuse la sagesse de ce monde ? (I Cor. 1:20)

 

L’une des difficultés dans la compilation d’un manuel d’enseignement des Pères sur la maladie est que la maladie ne peut être strictement séparée de la question générale de la douleur (par exemple, la douleur psychologique et les souffrances résultant de la guerre, de la famine, etc.). Une partie de ce que les saints Pères ont à dire ici sur la maladie établit également une base pour leur enseignement sur l’adversité (….).

Une autre difficulté est que les Pères orthodoxes utilisent parfois des mots tels que «péché», «punition» et «récompense» sans se restreindre aux significations que leur donne notre société moderne. Par exemple, le «péché» est une transgression de la loi divine. Mais dans la pensée patristique, c’est aussi plus que cela : c’est un acte de «trahison», une infidélité envers l’amour de Dieu pour l’homme et une «violation arbitraire de l’union sacrée [de l’homme] avec Dieu» (Andreyev, Ibid.). Le péché n’est pas quelque chose que nous devrions voir dans un cadre juridique strict de «crime et punition» ; l’infidélité de l’homme est une condition universelle, non limitée à telle ou telle transgression. C’est quelque-chose en nous, car tous ont péché, et sont privés de la gloire de Dieu (Romains 3:23).

 

Les relations de Dieu avec l’homme ne se limitent pas à nos idées juridiques sur la récompense et la punition. Le salut, qui est le but ultime de la vie chrétienne, n’est pas une «récompense», mais un don librement donné par Dieu. Nous ne pouvons pas «gagner» ou «le mériter» par tout ce que nous faisons, peu importe la façon pieuse ou  de ne pas se mettre en avant que nous croyons réaliser.

 

Dans la vie quotidienne, nous pensons naturellement que les bonnes actions devraient être récompensées et que les crimes doivent être sanctionnés. Mais notre Dieu ne « punit » pas sur la base des normes humaines. Il nous corrige et nous châtie, tout comme un père aimant corrige ses enfants égarés afin de leur montrer le chemin. Mais ce n’est pas la même chose que d’être «condamné» à une «sentence» de douleur et de souffrance pour certains méfaits. Notre Dieu n’est pas vindicatif ; Il est en tout temps parfaitement aimant, et sa justice n’a rien à voir avec les normes juridiques humaines.

 

Il sait que nous ne pouvons pas venir à Lui sans pureté de cœur, et il sait aussi que nous ne pouvons pas acquérir cette pureté, à moins que nous ne soyons libres de toutes choses: libres d’attachements à l’argent et à la propriété, libres des passions et du péché, et même détachés de la santé corporelle si cela constitue un obstacle entre nous et la vraie liberté devant Dieu. Il nous instruit, par la Révélation et la correction, en nous montrant comment nous pouvons acquérir cette liberté, car vous connaîtrez la vérité, et la vérité vous rendra libre (Jean 8:32). Ainsi que l’enseigne saint Jean Cassien : Dieu « vous conduit pas à pas en vous élevant à cet amour où la peur est absente. Grâce à cela, vous commencez sans effort et naturellement à observer toutes ces choses que vous avez initialement observées par peur de Dieu et des sanctions, mais maintenant vous ne les faites plus par crainte du châtiment, mais pour l’amour de la bonté elle-même et de la joie dans la vertu « (Conférences de saint Jean Cassien).

Gardant à l’esprit le sens spirituel plus profond des mots tels que «péché», «récompense» et «châtiment», nous pouvons étudier les discours divinement sages des saints Pères sur le sujet de la maladie en remerciant Dieu que «notre Foi a été rendue sûre par les Saints sages et savants « (St. Cosmas d’Etolie (XVIIIème siècle ), car« vraiment, se connaître soi-même est ce qu’il y a de plus dur parmi tout », comme l’écrit saint Basile le Grand. Les saints pères indiquent le chemin. Leurs vies et leurs écrits agissent, en quelque sorte, comme un miroir dans lequel nous pouvons prendre la mesure de nous-mêmes, lourdement chargés que nous sommes par les passions et les infirmités. La maladie est l’une des façons dont nous pouvons apprendre ce que nous sommes réellement.                 (A suivre)

 

Source : http://fatheralexander.org/booklets/english/fathers_illness.htm

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