La nuit est sans clarté (3)

 

Quelques années passèrent. Un homme à la haute taille et au visage émacié traversait le fleuve Amour, quittant la rive soviétique pour gagner celle de la Mandchourie, qui était encore libre.

Risquant leur vie, des centaines, voire même des milliers de gens traversaient cette frontière naturelle.Mais cet homme ne ressemblait pas au réfugié habituel, tel le paysan, le commerçant ou le soldat de l’Armée rouge qui fuit la pression insupportable qu’il subit dans sa patrie, pour s’en aller chercher du travail dans les villages frontaliers de la Chine, ou, porté par le même espoir, se dirige vers le sud et vers la ligne de chemin de fer.

Ce réfugié-là ne cherchait pas du travail. Arrivant sur la rive mandchoue du fleuve Amour, il se mit à questionner les Russes qu’il rencontrait sur l’emplacement d’un monastère orthodoxe (à présent fermé). Et, bientôt, un grand novice, aux sourcils froncés, qui ne souriait jamais et parlait peu commença à accomplir toutes sortes de tâches très dures dans l’un des monastères orthodoxes de la Mandchourie.

Il travaillait comme quatre. D’après les rares paroles qu’il laissait échapper, on pouvait conclure que c’était un homme d’une certaine intelligence. Mais chaque fois que l’higoumène du monastère lui proposait la tonsure, afin qu’à l’avenir il pût devenir hiéromoine ou hiérodiacre, le novice s’y opposait catégoriquement. Un jour, alors que l’higoumène s’efforçait de la lui faire accepter avec une insistance particulière, le Père spirituel du monastère prit la défense du novice et ne lui donna pas la bénédiction pour recevoir la tonsure.

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