Le chant, l’homme et Dieu.

Le chant de Dieu (P. Steven Freeman)

Source:http://blogs.ancientfaith.com/glory2godforallthings/2012/01/19/the-song-of-god/

L’homme est une composition musicale, un hymne merveilleusement composé à l’activité créatrice puissante.

Saint Grégoire de Nysse1 (PG 44, 441 B)

 

Dans la pensée de saint Grégoire de Nysse, l’homme n’est pas seulement un chanteur, mais un chant. Nous ne sommes pas seulement chant, mais le chant de Dieu. En effet, dans un thème des Pères (de l’Eglise), toute la création est le chant de Dieu, parlé (ou chanté) et venu à l’existence. «Que la lumière soit», est plus que l’expression d’un commandement : c’est la prononciation d’une phrase qui organise l’univers comme un morceau musical. Dieu chante. Toute la création chante. Le chant de louange qui naît de la création est offert à Dieu, l’Auteur de toutes choses. C’est aussi le chant de la création elle-même, une révélation de la vérité de son être. La musique n’est pas un divertissement : si elle est réalisée correctement, elle est le cœur même de la création.

Les anges dans la vision d’Ésaïe (chapitre 6) s’écriaient mutuellement dans le chant : «Saint, saint, saint, est le Seigneur, Dieu des armées …» Le chant de l’un appelle le chant de l’autre. L’adoration est l’offrande de tout notre être, appelant le chant de toute la création en union avec le chant que Dieu Lui-même chante.

Pour se comprendre comme le chant de Dieu, il y a une phrase dans son hymne à la création, qui affirme tant notre unicité que notre union avec le tout. Notre prière, notre culte, notre vie, sont une offrande du chant que Dieu lui-même a soufflé.

Nos habitudes de pensée fournissent des moyens par lesquels nous nous concevons. Il me semble intéressant de noter que notre concept moderne de l’existence humaine a minimisé le rôle de la musique. La musique est quelque chose que nous faisons, une industrie par laquelle nous gagnons de l’argent. C’est un instrument pour la glorification des ego. La musique est déformée.

Dans le même temps, notre culture a fait de la musique un vaste secteur financier, les gens eux-mêmes sont devenus moins musicaux. La capacité de jouer d’un instrument (autre que l’air-guitare) a diminué profondément. Les programmes de musique au sein des écoles sont jugés trop coûteux à financer. Le nombre de jeunes sans formation ou expérience musicale continue d’augmenter. Les gens chantent rarement ensemble (une coutume autrefois universelle avant la modernité), sauf dans les environnements les plus structurés. La musique folklorique (la musique des peuples) disparaît rapidement (ces choses sont peut-être plus vraies en Amérique qu’en Europe).

Je ne devrais jamais prédire une disparition de la musique – car les êtres humains sont un chant et le chant ne disparaîtra pas. Mais vivre d’une manière qui nous aliène de notre qualité d’être le chant de Dieu est vivre avec un vide existentiel. Si l’homme est un chanteur, alors il doit chanter – et il doit chanter à Dieu.

Source ; http://blogs.ancientfaith.com/glory2godforallthings/2012/01/19/the-song-of-god/

 

1 Grégoire de Nysse (vers 331 à 394) est un intellectuel passionné de rhétorique qui enseigne la philosophie. Son épouse l’adore et c’est réciproque. Quand son grand frère, saint Basile de Césarée, le consacre évêque de Nysse, une petite bourgade rurale de Cappadoce, cet intellectuel le ressent comme un exil, mais il l’accepte par devoir dans un monde si peu chrétien. Il se heurte à l’empereur qui soutient l’arianisme et qui l’exile. Il reviendra dans son diocèse à la mort de Valens et se fait le champion de la foi en la Trinité. Il sera l’un des principaux artisans de la victoire de l’orthodoxie au concile de Constantinople en 381. Saint Grégoire de Nysse est sans aucun doute l’un des plus grands théologiens spéculatifs, d’une ouverture d’esprit rarement égalée. Ce maître de la théologie contemplative par ses grands traités spirituels, est en même temps un pasteur et un catéchète soucieux de se faire comprendre par tous. 
Source : http://nominis.cef.fr/contenus/saint/5103/Saint-Gregoire-de-Nysse.html

 

En quoi est-ce différent?

 

En quoi est-ce différent?

Source:http://www.pravmir.com/what-s-the-difference/  (P. John Breck)

Un petit groupe d’une dizaine de jeunes professionnels de la santé étaient assis autour d’une table, grignotant des biscuits et buvant des boissons gazeuses. Ils étaient tous des protestants « main line » ou des évangéliques. Certains étaient très attachés à la tradition de leur église ; d’autres avaient soif de quelque chose d’autre, ce qui signifiait clairement qu’ils cherchaient quelque chose de plus. Ils nous ont demandé de venir parler de l’Orthodoxie. La plupart d’entre eux n’avaient jamais été à un service de culte orthodoxe, et ils étaient autant curieux qu’accueillants. Dans l’ensemble, l’ambiance était chaleureuse et cordiale.

Ils ont soulevé la question habituelle : «Quelle est la différence entre votre foi et la nôtre, entre les orthodoxes et, disons les baptistes ? » Continuer la lecture de En quoi est-ce différent?

Avec un simple sourire…

 

Un simple sourire peut nous mener loin

Il y a environ un an, j’étais assis dans un café à Seattle (NdT : c’est un moine qui témoigne, il était revêtu de l’habit religieux), mon ordinateur portable était ouvert et je travaillais mon courrier. Deux jeunes hommes de l’âge des étudiants d’université étaient assis à une table à un demi-mètre de distance. L’un d’eux a fait une remarque désagréable qui était évidemment destinée à mon oreille. Il a suggéré à son ami que seul un vieil homme stupide pouvait croire en Dieu. Je leur ai fait un sourire et j’ai continué à travailler sur mon ordinateur portable.

Avant de quitter le café, j’ai alors acheté deux cartes-cadeaux et j’ai demandé à la jeune femme de les donner aux deux jeunes hommes assis à la table voisine de la mienne, mais seulement après que je sois parti.

Environ deux semaines plus tard, je me suis rendu à nouveau dans le même café. Les deux jeunes hommes étaient là également. Ils sont tous les deux venus à ma table me demandant s’ils pouvaient s’asseoir avec moi. Je souris largement et leur dis que je serais ravi de les voir se joindre à moi. Un des jeunes hommes m’a alors demandé pourquoi j’avais acheté les cartes-cadeaux pour eux, alors que bien évidemment je les avais entendus se railler de moi.

Je leur ai dit que Dieu m’avait dit de leur acheter les cartes, et qu’il s’agissait d’un don de Dieu. Un des jeunes hommes eut les larmes aux yeux et me demanda pardon. Je lui ai dit que je lui avais pardonné le moment même où il avait prononcé ces mots parce que le Christ les a aimés. Comment pourrais-je ne pas les aimer, puisque Dieu les aimait ai-je ajouté.

Dieu nous donne à tous des chances de montrer Son amour pour les gens. Parfois, les moins aimables sont ceux-là mêmes qui ont le plus besoin de signes d’amour. Qui sait quelle différence un mot gentil ou un sourire peut faire sur la vie d’un individu qui est grossier ou qui est violent ? Les personnes les plus difficiles à traiter sont parfois les mêmes personnes qui ont le plus besoin de notre amour et de notre bonté. Le voisin en colère ou un collègue peut changer s’il est   traité avec respect et amour, et cela quel que soit leur comportement.

Ce sont eux les gens qui ont besoin de nos prières. Dieu peut changer n’importe quel cœur, en transformant la vie des pires gens à cause de nos prières. Qui sommes-nous pour les juger ? Si Dieu les a placés dans nos vies, nous devons chercher la raison. Peut-être qu’ils sont là parce que nous avons besoin d’apprendre la leçon du pardon et de la charité. Est-ce que nous méritons l’amour de Dieu plus qu’eux ?

Higoumène Tryphon (Monastère du Sauveur Tout Miséricordieux , Vashon Island , Etat de Washington)

Source : http://www.pravmir.com/smile-can-go-long-way/

 

Une âme simple et grande à la fois

Une âme grande et simple à la fois.

 

http://blogs.ancientfaith.com/glory2godforallthings/2016/06/01/simple-great-soul/

 

(Il s’agit d’un témoignage personnel du Père Stephen Freeman, prêtre orthodoxe dépendant de l’Eglise Orthodoxe en Amérique (OCA), qui entretient un blog intitulé Glory to God for All Things  et qui collabore avec la radio orthodoxe « Ancient Faith Radio » (http://www.ancientfaith.com/)).

 

Pour diverses raisons, j’ai passé une bonne quantité de temps avec A.I. Soljenitsyne, le grand écrivain russe qui est mort en 2008. Je travaille sur une collection de ses écrits et je regarde des vidéos sur sa vie ainsi que des interviews détaillés. Si un homme a vécu le maelström du 20e siècle, ce fut bien lui. Né en 1918 dans une pieuse famille orthodoxe, il a été élevé par sa mère seulement, son père étant mort dans un accident six mois avant sa naissance. Installé à Rostov à 6 ans, Soljenitsyne devient progressivement un garçon soviétique enthousiaste. Il a appris à mépriser sa foi et à admirer la Révolution. Il est devenu même un membre des Jeunes Pionniers.

 

Comme Dostoïevski avant lui, Soljenitsyne était un idéaliste dans sa jeunesse. Son marxisme était tout à fait sincère. Vers la fin de la Seconde Guerre mondiale, dans laquelle il a servi avec honneur, il a été arrêté pour des remarques critiques sur Staline effectuées dans une partie de sa correspondance privée avec un ami. Fait intéressant, ses remarques portaient sur la déviation de l’Etat du marxisme. Son manque de prudence fait qu’il devient prisonnier dans le Goulag soviétique.

 

Son premier emprisonnement a été relativement supportable, il a été assigné à faire de la recherche mathématique et de l’ingénierie. Sa rencontre avec des gens plus âgés ayant une plus grande expérience et une approche beaucoup plus critique du monde a commencé à le faire revenir vers le christianisme de son enfance. Par la suite il a été envoyé vers l’un des camps de travaux forcés au Kazakhstan, puis condamné à l’exil intérieur (pour la vie) travaillant comme professeur de mathématiques.

 

Il a été réhabilité en 1956 au début des années Krouchtchev, au cours desquelles son premier ouvrage, Une journée dans la vie d’Ivan Denissovitch, un roman écrit dans le Goulag, a été publié. Il a été très bien vendu et l’a fait entrer dans l’attention du public qui va le considérer, à la fois comme écrivain et comme critique social pour le reste de sa vie.

 

Il est plus convaincant pour moi que tout autre homme de notre temps, en grande partie à cause de la simplicité de son âme. Il y a une phrase russe, « dvoye dusha » (littéralement « deux-âmes») qui vient à l’esprit. La plupart des gens que je connais sont au moins à « deux âmes ». Notre complexité (en tant qu’humains) est une masse de contradictions – dans les opinions, les sentiments, les loyautés et les haines. Nous pensons une chose pour une raison donnée, et d’autre part pour une raison tout à fait contradictoire nous pensons quelque chose de différent. Il s’agit d’une des maladies de notre époque (cf.  Alasdair MacIntyre  Quelle Justice? Quelle Rationalité?) Soljenitsyne n’était décidément pas « dvoye dusha ». Il était tout à fait ce qu’il était au cœur même de son être. Si tel n’était pas le cas, il aurait appris à se plier et céder, et s’adapter à l’air du monde. Il aurait pu être célèbre et avoir beaucoup moins de problèmes.

Cette simplicité intérieure est d’autant plus remarquable que Soljenitsyne a vécu dans des temps extrêmement complexes. L’État qui l’a emprisonné avait été une fois idéalisé par lui. Et l’Etat qui l’oppressait et qui cherchait à le faire taire était également situé dans la terre qui occupe le plus profond de son cœur. Il a été exilé en 1974, s’est finalement installé dans le Vermont (USA). Salué à travers le monde en tant que champion de la liberté, il a néanmoins constaté que les médias occidentaux se sont détournés de lui quand il a critiqué le dévoiement de la liberté et la décadence rampante de la vie dans le pays de son exil.

 

Avec le temps, les médias ont trouvé plus facile de le rejeter comme un russe grincheux, semblable à un objet ancien d’une société qui avait disparu depuis longtemps. Il a été accusé de beaucoup de choses (autant que ses maîtres soviétiques qui ont cherché à le discréditer). Mais la vérité de l’homme était qu’il était tout à fait le même, que ce soit vivant en URSS ou d’être salué ou brocardé en Occident. Que l’Est et l’Ouest étaient tous les deux heureux de le voir réduit au silence est la démonstration simple de la corruption presque illimitée de l’État moderne.

 

Sa pratique de la vie peut se résumer dans le titre d’un de ses articles : « Ne vivez pas sur des mensonges. » L’article lui-même est intéressant à lire. Pour Soljenitsyne cela signifiait (à tout le moins), de dire la vérité de son cœur, toujours et en tout temps, sans crainte. Et c’est là que le problème d’être «une âme double » vient au premier plan. Il y a des forces terribles qui nous éloignent de la simple vérité de notre âme. L’entourage, nos passions, et cela crée facilement un nuage de confusion.

 

Penser à ce sujet est très douloureux pour moi. Pendant un certain nombre d’années, avant ma conversion à l’orthodoxie, je vivais une existence à « deux-âmes ». A mesure que j’étais de plus en plus attiré vers l’orthodoxie, je m’éloignai de l’anglicanisme dans lequel je servais. Les complications dues à mon travail, le rôle parental, le service, ont provoqué en moi des contradictions terribles. Et même si chaque jour ne comportait pas un mensonge direct, il y avait certainement quelque chose qui en était très proche.

 

Environ un an avant ma conversion, je suis allé voir mon évêque anglican et je lui ai fait part de mes intentions. Ce fut une conversation très irénique et réfléchie. Vers la fin, il m’a demandé : «Pouvez-vous dire la messe en bonne conscience ? ». C’était probablement la question la plus poignante de la matinée. Je lui ai dit que je pouvais, même si elle avait quelque chose de semblable à un spectacle dans mon âme (j’ai utilisé une expression différente que je ne vais pas répéter). Il m’a dit de lui faire savoir si (dire la messe) me devient insupportable.

 

Ma conversion au début de l’année suivante m’a apporté un soulagement profond. Je ne me sentais pas triomphaliste dans cette décision. En effet, je portais des blessures profondes à la suite de ce dédoublement qui m’a retenu captif au cours d’un certain nombre d’années. Cela hante encore mes rêves.

 

Ma situation est un exemple assez spectaculaire (et embarrassant). Mais le problème est, je le pense, très répandu dans notre culture. Nous portons une foule de contradictions au sein de nous-mêmes. Les passions, dépourvues de raison, dictent souvent les attachements de nos vies et comment nous les traitons chaque instant. Un cœur simple et simple est rare et difficile à réaliser.

Le Christ a dit : «Que votre œil soit simple ». Il a également dit : «Que votre parole soit oui, oui, non, non ; ce qu’on y ajoute vient du malin. » (Mat 5 :37) St. Jacques dit également que l’homme à l’âme double est instable dans toutes ses voies. Pour beaucoup, cela est devenu un mode d’existence.

 

Une âme simple et non divisée vient par le moyen d’une certaine tranquillité d’esprit et de la dévotion. Il y a peu de doute que la simplicité de Soljenitsyne a été en partie façonnée par les souffrances qu’il a endurées. Il a également été façonné par la nature simple et directe de sa foi orthodoxe. Il est seulement remarquable en ceci que c’est quelque chose de rare, et non pas parce que ce serait difficile à réaliser. Le propre conseil de Soljenitsyne était : «Ne pas mentir ».

 

Le mensonge imprègne nos vies. Je pense souvent que nous sommes tellement engagés dans le mensonge que nous ne parvenons pas à le remarquer. Le mensonge commence dans nos propres cœurs. Ce que nous ressentons comme «complexité», en particulier la complexité dans l’âme, est souvent un plus un refus d’affronter la vérité et d’en supporter ses conséquences. Nous préférons une vie dans laquelle les conséquences désagréables sont réduites au minimum. Le mensonge est idéal pour une telle vie.

 

L’évangile commence par un appel à la repentance. La repentance (metanoia), signifie un «changement d’état de notre esprit » Il ne suffit pas de changer les pensées de l’esprit, mais changer la façon dont l’esprit pense. Saint Paul parle du «renouvellement» de l’esprit (Romains 12: 2). L’appel du Christ des disciples est un parfait exemple de ce renouvellement. Le Christ semble avoir fait en sorte qu’il est impossible de le suivre si on a une   « âme double » et irrésolue. Les hommes (qui Le suivent) quittent les familles, les emplois, tout ce qui a constitué leur vie avant Christ. Il leur conseille de «laisser les morts enterrer les morts ». Ces actions ont toujours semblé extrêmes, mais avec les années qui passent, je vois qu’elles ont comme objectif de « concentrer » l’âme.

 

Notre entrée dans le Christ (et dans la plénitude de l’Eglise) demande rarement de tels efforts de notre part. Au moment de ma conversion à l’orthodoxie, j’ai été effectivement heureux que le cadre de ma vie ait été radicalement affecté, même si la plupart des effets se sont avérés être produits par mon propre esprit anxieux. Il n’y avait rien vraiment d’héroïque, ou qui a impliqué une souffrance remarquable, mais (à notre époque qui est) un âge de confort, où nous craignons tous les inconvénients de la perte d’une certaine sécurité, il y avait suffisamment de difficultés avant de commencer le processus de guérison du conflit à l’intérieur de mon âme.

 

Dans la vie, ce processus (de guérison) peut commencer à tout moment. Il commence par un engagement résolu à suivre le Christ, quelle que soit la suite. On nous demande dans le baptême, «Voulez-vous vous unir au Christ ? ». Ceci, il me semble, est tellement plus simple que de «prendre une décision pour le Christ», ou «de l’accepter comme Seigneur et Sauveur ». Ce qui nous est demandé est de « mourir » car le Christ avec qui nous nous unissons est, tout d’abord et avant tout, le Seigneur Crucifié. «Je meurs chaque jour», a dit saint Paul. Rien de moins ne peut guérir nos cœurs.

 

Durant les deux premières années de ma vie orthodoxe, j’ai travaillé comme aumônier d’hôpital. Et comme je travaillais à «mourir tous les jours » (comme dit Saint Paul), J’étais tous les jours avec les mourants. L’approche de la mort, dans la vie d’un croyant, concentre (« rassemble ») l’âme. Ce fut un grand avantage pour moi de témoigner à ces témoins d’un cœur simple. Il y a trois ans, je suis entré à l’hôpital à cause d’une crise cardiaque, et je regardais le personnel médical se démener sur l’entreprise de sauver ma vie. Au milieu de tout cela, il y avait une grande paix. Il n’y avait qu’une seule inquiétude – celle de rencontrer du Christ non préparé. J’ai refusé la proposition de recevoir un sédatif lorsque la procédure médicale a commencé. Mon commentaire a été : «J’ai du travail à faire ».

 

Je n’ai pas à juger tous ceux qui se débattent avec une âme divisée. Mais je peux dire que ce n’est pas un état que nous devrions tolérer pour longtemps – il est trop dévastateur. Il y a vraiment de grandes âmes, et des jaillissements singuliers de la grâce qui nous disent ce qui est possible. Soljenitsyne est devenu un héros pour moi, même dans mes années de collège (aux USA le collège correspond aux premières années à l’université). Je soupçonne que la maladie de ma propre âme a intuitivement vu en lui l’exemple du chemin vers la « maison ». Il faut dire Oui ou Non. Et ne pas vivre avec des mensonges.

 

Le 6 mai 1945- Célébration de Pâques à Dachau

DIMANCHE 6 MAI 1945- DIMANCHE DE PAQUES A DACHAU

Source : http://stmaterne.blogspot.com/2008/05/pques-au-camp-de-concentration-de.html

« Les âmes étaient toutes enflammées »
par Douglas Cramer

En 1945, une Liturgie de Pâques semblable à nulle autre fut célébrée. A peine quelques jours après leur libération par l’armée américaine le 29 avril 1945, des centaines de prisonniers Chrétiens Orthodoxes du camp de concentration de Dachau se rassemblèrent pour célébrer l’Office de la Résurrection et rendre grâce.
Le camp de concentration de Dachau avait été ouvert en 1933, dans une ancienne fabrique de poudre à canon. Les premiers prisonniers qu’on y avait enfermés étaient des opposants politiques à Adolf Hitler, qui était devenu chancelier d’Allemagne le mois précédent. Au cours des 12 années d’existence de ce camp, quelque 200.000 prisonniers y furent détenus. La majorité des prisonniers de Dachau étaient chrétiens, dont des protestants, des catholiques-romains, et des fidèles et clergé Orthodoxes.
D’innombrables prisonniers moururent à Dachau, et des centaines furent forcés à participer aux cruelles expérimentations médicales conduites par le docteur Sigmund Rascher. Lorsque les prisonniers arrivaient au camp, ils étaient battus, insultés, on leur rasait les cheveux, et tous leurs biens leurs étaient confisqués. Les gardes SS tuaient quiconque ne leur plaisait pas. Les punitions comportaient par exemple d’être pendu pendant des heures à des crochets, placés suffisamment hauts pour que les pieds ne touchent le sol; être écartelé sur des tréteaux; être fouetté avec des fouets en cuir mouillés; et être placé des jours durant dans l’isolement, dans des pièces trop petites que pour pouvoir s’y coucher.
Les sévices sur les prisonniers s’arrêtèrent au printemps de 1945. Les événements de cette Semaine Sainte furent par la suite rapportés par un des prisonniers, Gleb Rahr. Rahr avait grandit en Lettonie, et fuit avec sa famille vers l’Allemagne nazie lorsque les Russes communistes les envahirent. Il fut arrêté par la Gestapo, car il était membre d’une organisation qui s’opposait tant aux nazis qu’aux communistes. Emprisonné au départ à Buchenwald, il fut transféré à Dachau vers la fin de la guerre.
En fait, Rahr fut un des survivants des terribles « trains de la mort, » comme les GI américains qui les découvrirent les appelèrent. Des milliers de prisonniers de différents camps avaient été envoyés à Dachau dans des voitures de chemin de fer ouvertes. La plus grande partie d’entre eux moururent dans d’horribles circonstances, de faim, de déshydratation, de froid, de maladie, et d’exécution.
Dans une lettre adressée à ses parents le lendemain de la Libération, le GI William Cowling écrivait : « alors que nous traversions les voies et regardions dans les voitures, j’ai vu la plus horrible vision de toute ma vie sous mes yeux. Les voitures étaient remplies de corps morts. La plupart étaient nus, et tous n’étaient que peau sur les os. Vraiment, leurs jambes et bras n’étaient que de quelques centimètres de circonférence, et ils n’avaient plus de fesses. Nombre de corps avaient un impact de balle dans la nuque. »
Marcus Smith, autre membre du personnel de l’US Army assigné à Dachau, décrit aussi la scène dans son livre de 1972, « The Harrowing of Hell » (la remontée des enfers).

Les ordures et les excréments étaient déversés sur les voitures et à l’entour. La plupart des cadavres gisaient au milieu de piles de vêtements, souliers et détritus. Apparemment, certains avaient rampé ou étaient tombés hors des voitures lorsque les portes étaient ouvertes, et moururent sur le sol. Un de nos hommes compta les wagons et dit qu’il y en avait 39. Plus tard, j’ai entendu qu’il y en avait 50, que le train était arrivé au camp au soir du 27 avril, et qu’alors tous les passagers étaient supposés être morts, de sorte que les corps pourraient être détruits dans le crématorium du camp. Mais cela ne put être réalisé parce qu’il n’y avait plus de charbon pour alimenter la fournaise. Des corps de soldats allemands mutilés étaient aussi à même le sol, et parfois nous avons vu un des anciens détenus hurler face au corps d’un de ses anciens bourreaux et botter dedans. Retour de la monnaie!

Rahr était un des 4000 prisonniers Russes à Dachau au moment de la Libération. Parmi les prisonniers libérés on trouvait aussi 1200 clercs d’église. Après la guerre, Rahr émigra aux États Unis, où il enseigna l’Histoire de Russie à l’université de Maryland. Il travailla par la suite pour Radio Free Europe. Son récit des événements à Dachau en 1945 commence par son arrivée au camp :

27 avril : le dernier transport de prisonniers arrive de Buchenwald. Des quelque 5000 destinés à l’origine à Dachau, je fut parmi les 1300 ayant survécu au voyage de transfert. Nombreux furent abattus, certains moururent de faim, d’autres du typhus

28 avril: avec mes compagnons d’emprisonnement, nous parvenons à entendre le bombardement de Munich, qui a lieu à quelque 30 km de notre camp de concentration. Au fur et à mesure que le bruit de l’artillerie se rapproche de l’ouest et du nord, des ordres sont donnés pour interdire aux prisonniers de quitter leurs baraquement, sous aucun prétexte. Les soldats SS patrouillent à moto dans le camp, pendant que les mitrailleuses sont pointées sur nous depuis les miradors qui entourent le camp.

29 avril : le bruit assourdissant de l’artillerie s’est joint au vacarme des rafales de mitrailleuses. Les obus sifflent au dessus du camp venant de toutes les directions. Soudain, des drapeaux blancs sont hissés sur les miradors – un signe d’espoir que les SS se rendraient plutôt que d’abattre tous les prisonniers et de se battre jusqu’au dernier. Ensuite, vers 18h, un étrange bruit pu être entendu, de quelque part près du camp, avec un volume allant croissant…
Le bruit provenait de la reconnaissance croissante de la liberté. Le lt-col. Walter Fellentz, de la 7ème Armée américaine, décrivit l’accueil de son point de vue
:

« A plusieurs centaines de mètres à l’intérieur de l’entrée principale, nous avons rencontré le camp de concentration en lui-même. Là, devant nous, derrière une clôture de fils barbelés électrifiés et branchés, se tenait une masse d’hommes, de femmes et d’enfants, à moitié fous, saluant, agitant les mains et hurlant de joie – leurs libérateurs étaient arrivés! Le vacarme était indescriptible! Quiconque (près de 32000) était encore capable de pousser un cri, le faisait. Nos coeurs pleurèrent lorsque nous vîmes les larmes de joie couler sur toutes leurs joues. »

Le récit de Rahr continue:
Pour finir, tous les 32.600 prisonniers se joignirent au cri quand le premier soldat américain apparu juste devant les barbelés du camp. Peu après, le courant électrique ayant été débranché, les portes furent ouvertes et les GI américains firent leur entrée. Alors qu’ils écarquillaient les yeux face à notre état, car nous étions tous affamés et soufrant du typhus et de dysenterie, ils avaient eux plus l’air de gamin de 15 ans que de soldats aguerris.

Un comité international de prisonniers est formé pour s’occuper de l’administration du camp. La nourriture des magasins des SS est mise à la disposition de la cuisine du camp. Une unité militaire US contribue aussi avec de la nourriture, me permettant par là de goûter pour la première fois au maïs américain. Sur ordre d’un officier américain, les postes de radio furent confisqués chez les dirigeants nazis de la ville de Dachau et donnés aux divers groupes nationaux de prisonniers. Les nouvelles arrivèrent : Hitler s’était suicidé, les Russes avaient pris Berlin, et les troupes allemandes s’étaient rendues au sud et au nord. Mais les combats continuaient à faire rage en Autriche et Tchécoslovaquie

Naturellement, je savais que ces événements monumentaux se déroulaient pendant la Semaine Sainte. Mais comment aurions-nous pu marquer cela, autrement que par nos prières silencieuses, individuelles? Un de mes compagnons d’emprisonnement, traducteur en chef pour le Comité International des Prisonniers, Boris F., vint me voir dans ma baraque infestée par le typhus – le « bloc 27 » – pour m’informer que des efforts étaient en cours, en conjonction avec les Comités Nationaux Grecs et Yougoslaves, afin d’arranger une Liturgie Orthodoxe pour le jour de Pâques, le 6 mai.

Il y avait des prêtres et des diacres Orthodoxes, et des moines du Mont Athos, parmi les prisonniers. Mais il n’y avait ni vêtements liturgiques, ni livres, ni Icônes, ni cierges, ni prosphores, ni vin.. Les efforts pour obtenir cela de l’église russe à Munich avaient échoué, car les Américains n’avaient pas réussi à localiser qui que ce soit ayant fait partie de cette paroisse, dans cette ville dévastée. Néanmoins, une partie des problèmes purent être résolus. Les quelques 400 prêtres catholiques-romains détenus à Dachau avaient été autorisés à rester ensemble dans un baraquement et récitaient leur messe tous les matins avant d’aller travailler. Ils proposèrent aux Orthodoxes l’usage de leur local de prière au « bloc 26, » qui se trouvait juste en face de l’autre côté de mon propre baraquement.

La chapelle était nue, sauf une table en bois et une Icône de la Théotokos de Czenstochowa, qui pendait au mur au dessus de la table – une Icône originaire de Constantinople, amenée par la suite à Belz en Galicie, d’où elle fut ensuite prise aux Orthodoxes par un roi de Pologne. Lorsque l’armée russe chassa les troupes de Napoléon hors de Cestochowa, l’higoumène du monastère de Cestochowa donna une copie de l’Icône au tsar Alexandre I, qui la plaça dans la cathédrale Kazan à Saint-Petersbourg, où elle fut vénérée jusqu’à ce que les bolcheviques se soient emparés du pouvoir.

On trouva aussi une solution créative pour le problème des vêtements liturgiques. Des nouveaux essuies de lin furent empruntés à l’hôpital de nos anciens gardes SS. Cousus ensembles dans la longueur, 2 essuies formaient un epitrachilion (étole du prêtre), et cousus ensemble bout-à-bout, ils devenaient un orarion (étole du diacre). Des croix rouges, prévues à l’origine pour le personnel médical des gardes SS, furent cousus sur ces vêtements-essuies.

Le Dimanche de Pâques, 6 mai (23 avril dans l’ancien calendrier – concordant donc cette année-là avec la fête de saint Georges le Victorieux) – Serbes, Grecs et Russes se rassemblèrent dans la baraque des prêtres catholiques-romains. Bien que les Russes formaient 40% des détenus de Dachau, seuls quelques uns d’entre eux s’arrangèrent pour venir à l’Office. A l’époque, des « officiers de rapatriement » des unités spéciales Smersh étaient arrivées à Dachau par avions militaires américains, et avaient commencé à dresser de nouvelles lignes de barbelés afin d’isoler les citoyens soviétiques du restant des prisonniers, ce qui était la première étape pour préparer leur éventuel rapatriement forcé.

Dans toute l’histoire de l’Église Orthodoxe, il n’y a probablement jamais eu une Liturgie de Pâques pareille à celle à Dachau en 1945. Les prêtres Grecs et Serbes, ainsi qu’un diacre Serbe, portaient les vêtements liturgiques improvisés par dessus leur uniformes lignés bleus et gris de prisonniers. Ensuite ils commencèrent à chanter, passant du grec au slavon, puis à nouveau au grec. Le Canon de Pâques, les stichères de Pâques – tout fut récité de mémoire. L’Évangile – « Dans le Principe était le Verbe » – fut aussi dit de mémoire.

Et pour finir, l’homélie de saint Jean Chrysostome – aussi de mémoire. Un jeune moine Grec de la Sainte Montagne se tint en face de nous et la récita avec un enthousiasme si contagieux que nous ne l’oublierons pas aussi longtemps que nous vivrons. Saint Jean Chrysostome lui-même semblait nous parler par la voix de ce moine, ainsi qu’au reste du monde! 18 prêtres et un diacre – presque tous Serbes – participèrent à cette Liturgie inoubliable. A l’instar du paralytique qui avait été descendu à travers le toit d’une maison et placé face aux pieds du Christ le Sauveur, l’archimandrite Grec Meletios fut apporté sur une civière jusqu’en la chapelle, où il resta prosterné pour la durée de l’Office.
Parmi les autres prisonniers à Dachau, on trouvait le récemment canonisé Nicolas Velimirovic, évêque d’Ochrid, qui devint par la suite le premier administrateur de l’Église Orthodoxe de Serbie aux États Unis et au Canada; et l’archimandrite Dionysios, qui, après la guerre, devait devenir le métropolite de Trikkis et Stagnon, en Grèce
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Le p. Dionysios avait été arrêté en 1942 pour avoir donné asile à un officier Anglais fuyant les Nazis. Il fut torturé pour ne pas avoir révélé les noms des autres personnes impliquées dans l’aide aux soldats Alliés, et fut emprisonné 18 mois durant à Thessalonique avant d’être transféré à Dachau. Pendant ses 2 ans à Dachau, il assista aux atrocités nazies et en souffrit lui-même beaucoup. Il rapporta nombre d’expériences atroces dans son livre « Ieroi Palmoi. » Parmi elles, il y avait entre autres le fait d’être régulièrement conduit au peloton d’exécution, où il se voyait épargné au dernier moment, tourné en ridicule, puis renvoyé à l’état miséreux du bloc des prisonniers.

Après la Libération, le p. Dionysios aida les Alliés à localiser d’anciens détenus de Dachau et à ramener un peu de normalité dans leurs vies brisées. Peu avant sa mort, le métropolite Dionysios retourna à Dachau, et y célébra la première Divine Liturgie Orthodoxe de temps de paix. Écrivant en 1949, le p. Dionysios évoqua Pâques 1945 en ces termes :
« En plein air, derrière la baraque, les Orthodoxes se rassemblent, Grecs et Serbes. Au centre, tous les prêtres, les Serbes et les Grecs. Ils ne portaient pas de vêtements dorés. Ils n’avaient pas même une soutane. Pas de cierges, pas de livres liturgiques en main. Mais là, ils n’avaient pas besoin de lumières extérieures, matérielles, pour faire résonner la joie. Les âmes étaient toutes enflammées, baignant dans la lumière.
Béni est notre Dieu. Mon petit Nouveau Testament en reliure papier a son heure de gloire. Nous chantons nombre de fois « Le Christ est Ressuscité, » et son écho se répercute partout et sanctifie ce lieu.

L’Allemagne d’Hitler, le tragique symbole d’un monde sans le Christ, n’existe plus. Et l’hymne de la vie de Foi montait dans toutes les âmes; la vie qui procède avec engouement vers le Crucifié depuis la verdoyante colline de Stein.
Le 29 avril 1995 – 50ème anniversaire de la libération de Dachau – fut consacrée la chapelle Orthodoxe Russe commémorative à Dachau. Dédiée à la Résurrection du Christ, la chapelle contient une Icône montrant les Anges ouvrant les portes du camp de concentration, et le Christ Lui-même guidant les prisonniers vers la liberté. L’architecture conique simple de cette chapelle en bois est représentative des chapelles funéraires traditionnelles du nord de la Russie. Les parties de la chapelle furent construites par un artisan habile de la région de Vladimir, en Russie, et assemblées à Dachau par des vétérans du groupe occidental des forces russes, juste avant leur départ d’Allemagne en 1994. Les prêtres qui participèrent à la Liturgie Pascale de 1945 y sont commémorés à chaque Office célébré dans cette chapelle, de même que tous les Chrétiens Orthodoxes qui ont perdu la vie « en ce lieu, ou dans un autre lieu de torture. »
Source : http://stmaterne.blogspot.com/2008/05/pques-au-camp-de-concentration-de.html