Saint Ambroise d’Optina et le menuisier

Saint Ambroise d'Optino

 

Deux ans avant le départ du starets Ambroise, je me suis rendu à Optina pour toucher une somme d’argent. En effet, j’avais réalisé une iconostase [une iconostase est une cloison, de bois ou de pierre, qui, dans les églises orthodoxes, sépare les lieux où se tient le clergé célébrant  du reste de l’église où se tiennent le chœur, le clergé non célébrant et les fidèles] et je me rendais pour encaisser le règlement de mon travail, il s’agissait d’une somme d’argent assez conséquente.

Après avoir reçu la somme, et avant de rentrer chez moi, je me suis rendu chez le starets Ambroise pour recevoir sa bénédiction. J’étais pressé de rentrer chez moi car j’attendais pour le jour suivant des gens qui devaient venir et passer une commande d’un montant élevé.

Il y avait à ce moment, comme d’habitude, beaucoup de gens qui attendaient d’être reçu par le starets. On lui a fait savoir que j’étais présent parmi les gens qui attendaient, alors le starets m’a fait savoir par l’intermédiaire de la personne qui l’aidait que je vienne le rencontrer le soir pour prendre le thé avec lui.  Bien que j’étais pressé de rentrer chez moi, la joie et l’honneur de prendre un thé avec le starets sont passés avant toute autre considération et je me suis dit que si je rentrais la nuit chez moi j’arriverai à ma maison à temps.

Le soir venu, je me suis rendu à la cellule du starets. Il était si joyeux et si gai que j’ai à peine senti le sol sous mes pieds. Il m’a retenu longtemps ; il faisait déjà sombre lorsqu’il me dit : « Eh bien sois avec  Dieu. Passe cette nuit ici et demain je te bénis pour que tu assistes à la Liturgie ; et après viens ici pour prendre du thé ».

Je me suis demandé comment cela ? Mais je n’ai pas osé contredire le starets. Alors je passais la nuit sur place, et le matin j’ai assisté à la Liturgie puis je suis parti prendre le thé chez le starets. Et en même temps je me faisais du souci pour les clients qui devaient venir chez moi. Je me suis dit que je pourrais arriver le soir et peut-être que mes clients vont m’attendre. Mais il ne fallait pas y compter ! A peine avoir terminé mon thé et alors que je voulais dire au starets « Bénissez-moi pour que je revienne à ma maison », le starets ne m’a pas laissé dire un mot et il me dit : « Venez ce soir et passez avec moi cette nuit ». J’ai senti comme si mes jambes ne pouvaient plus me tenir mais encore une fois je n’ai pu protester.

Un jour et une nuit passèrent ainsi.  Le matin je me suis senti plus audacieux et je me suis dit : « Je vais quitter aujourd’hui. Peut-être que mes clients m’ont attendu ».  Mais le starets ne m’a pas laissé prononcer un mot, il m’a dit : « Ce soir allez aux vêpres, et demain matin à la Liturgie. Et passez cette nuit encore avec moi ». Je me suis dit alors : « A quel jeu il joue ? A cet instant j’étais vraiment très embêté J’ai même pêché (en pensées) contre le starets. Je me suis dit que comme il est clairvoyant, il doit savoir que j’ai raté une bonne affaire ». Et le soir durant les vêpres je n’étais plus d’humeur à prier. Des pensées m’assaillaient du genre « Alors c’est çà ton starets ? C’est çà sa clairvoyance ? Tes rentrées (d’argent) vont s’évaporer ». J’étais en colère. Et comme pour aggraver mon pêché, le starets m’a accueilli après les vêpres avec une grande joie comme s’il se moquait de moi. Je me sentais offensé et j’étais amer. C’est dans cet état que j’ai passé ma troisième nuit. Cependant durant cette nuit mon abattement s’est peu à peu calmé. Le matin je me suis rendu chez le starets qui m’a dit : « Eh bien, il est grandement temps que vous rentriez chez vous. Soyez avec Dieu. Que Dieu vous bénisse. Et quand ce sera le moment, n’oubliez pas de Le remercier ».

Et à cet instant tout mon désespoir s’évanoui. J’ai quitté Optina le cœur léger ressentant une joie qu’il n’est pas possible d’expliquer. Mais je pensais aussi : que veut dire le starets par ses paroles « Et quand ce sera le moment n’oubliez pas de remercier Dieu ? ». Sans doute je me suis dit que c’est parce-que j’ai assisté à la Liturgie trois jours de suite. Je ne me précipitais pas pour rentrer chez moi et je ne pensais plus à mes clients. Puis j’arrivais chez moi, et que s’est-il passé alors ? A peine rentré chez moi et voici que mes clients arrivent. Ils avaient trois jours de retard pour notre rendez-vous !

Mais ce n’est pas la fin de l’histoire, écoutez ce qui s’est passé par la suite.

Le temps s’écoula. Notre cher starets s’endormit dans le Seigneur. Et deux ans après le départ du starets, mon ouvrier principal mourut. Il était un compagnon digne de confiance. Je ne peux le désigner comme ouvrier. Il était d’or. Nous avions travaillé ensemble plus de 20 ans. Puis il tomba malade de la maladie qui devait le mener à la mort. Un prêtre a été requis à son chevet afin qu’il se confesse et reçoive les Saints Mystères (la communion) tant qu’il était encore conscient. Mais après, le prêtre revint du chevet du mourant pour me dire : « Le malade vous appelle, il veut vous voir. Faites vite avant qu’il ne meure ! ».

Je me rends alors à sa chambre et aussitôt qu’il me voit, c’est avec grande difficulté qu’il se redresse en s’appuyant sur ses coudes, il me regarde et avec des sanglots (il me dit) : « Pardonnez-moi patron car j’ai voulu vous assassiner ». Alors je lui réponds : « Que Dieu soit avec toi mon ami, qu’est-ce que tu racontes ? Tu divagues ! ». « Non patron, j’ai vraiment voulu vous assassiner. Vous vous rappelez quand vous êtes retournés d’Optina avec 3 jours de retard ? Nous étions trois, selon mon plan, à vous attendre pour vous surprendre sous le pont. Nous voulions l’argent que vous rapportiez d’Optina pour l’iconostase. Vous auriez perdu la vie ce jour, si ce n’est que le Seigneur, grâce aux prières de je ne sais qui, vous a sauvé d’une mort sans que vous n’ayez pu faire repentir avant. Aussi pardonnez-moi à moi pêcheur. Pour l’amour de Dieu laissez mon âme partir en paix ». Je répondis : « Que Dieu vous pardonne comme je vous pardonne ».  Il poussa un soupir et mourut. Que Dieu accorde le repos à son âme.

Sources: L’ouvrage: « The life and Instructions of Saint Ambroise of Optina » .  Orthodox heritage Vol.12, Issue 07-08 (2014). Et également wikipédia.

Notes:

1) Optina Poustine est un monastère près de Kozelsk et qui était le centre spirituel le plus important du Église Orthodoxe Russe au 19ème siècle.

2) La figure du starets Ambroise a inspiré Dostoïevski dans les Frères Karamazov.

3) Starets est un mot russe qui désigne un père spirituel.

4) La vie du starets Ambroise peut être consultée dans des livres abordant les starets d’Optina. Voir aussi: http://www.pagesorthodoxes.net/saints/paternite-spirituelle/pat-ambroise.htm

 

Nous ne ferons pas de ce monde un monde meilleur

 

 

Dans un billet précédent (http://www.orthodoxie-reunion.com/?m=201401)  il avait été question du « projet de la modernité » . Il s’agissait du monde dans lequel nous vivons. Ses conceptions, ses idées, ses présuppositions sont bien inculquées en nous sans hésitation aucune et sans esprit critique. Nous sommes des hommes modernes.

Cependant l’Evangile n’est pas moderne et de nombreuses idées issues de la modernité sont en opposition avec l’Evangile. Il faut donc dans un esprit de discernement questionner et examiner les postulats de base du monde moderne.

« Ne vous conformez pas au siècle présent, mais soyez transformés par le renouvellement de l’intelligence, afin que vous discerniez quelle est la volonté de Dieu, ce qui est bon, agréable et parfait. (Romains 12 :2).

La modernité croit au progrès. Elle est convaincue et se dévoue à l’idée que les choses évoluent en s’améliorant à l’instar des puces informatiques qui deviennent plus petites, plus performantes et moins chères. Ainsi le monde va en se perfectionnant, il évolue positivement, il devient plus civilisé, plus libre, plus juste, plus sain, plus intelligent et plus sage. Nous supposons que nous savons davantage et que nous comprenons mieux que ceux qui nous ont précédés ; nous sommes leur accomplissement. Continuer la lecture de Nous ne ferons pas de ce monde un monde meilleur

Relativité du temps d’après saint Nicodème de l’Athos

« Mille ans sont à tes yeux comme le jour d’hier qui n’est plus » (Psaume 89). Saint Nicodème de l’Athos, dans son commentaire de la deuxième lettre de saint Pierre dit à ce propos : « Un seul jour dans la béatitude du siècle à venir est comme mille ans dans la vie présente, parce qu’un seul jour réjouira, rassasiera à tel point les justes de toutes sortes de biens qu’ils auront l’impression d’avoir vécu mille ans ; et mille ans dans la vie présente, comparés à la félicité éternelle de Dieu, paraîtront si courts qu’ils sembleront avoir été comme un seul jour parce qu’auprès de Dieu infini et éternel, toutes les dimensions et les états temporels sont inconsistants et apparaissent comme une seule minute ».

Que s’inquiéter en excès fait oublier Dieu (Paissios l’Ancien)

 

 

Laissez-moi vous expliquer quelque-chose : lorsqu’un enfant joue et qu’il est entièrement absorbé par ses jouets il ne remarque pas son papa qui se trouve près de lui et qui lui caresse ses cheveux. Mais s’il s’arrête de jouer, alors il se rend compte des caresses que lui fait son père. Il en est de même pour nous : si nous sommes pris par diverses activités et que nous nous en inquiétons anxieusement, ou bien si nous portons toute notre attention aux affaires de ce monde, alors nous ne pouvons pas être conscients de l’amour de Dieu. Dieu donne, mais nous, nous restons insensibles. Prenez garde de ne pas gaspiller vos précieuses énergies à des soucis en excès et à des choses vaines qui vont devenir un jour poussières. Quand vous vous comportez de la sorte, non seulement vous épuisez vos corps mais vous dispersez également vos esprits sans but et vous offrez à Dieu à l’heure de votre prière vos fatigues et vos bâillements, comme le sacrifice de Caïn. Votre état intérieur sera comme celui de Caïn, vous serez remplis d’anxiété et vous ferez plein de soupirs inspirés par le diable qui se tient alors près de vous. Vous ne devez pas gaspiller inutilement le fruit, le fondement de vos énergies, et laisser les miettes pour Dieu. Les nombreux soucis de cette vie sapent la moelle de votre cœur et ne laissent rien pour le Christ. Si vous remarquez que votre esprit est en permanence en train de s’éparpiller sur les diverses tâches que vous devez accomplir, vous devez alors vous rendre compte que vous allez mal sur le plan spirituel et vous devez vous en inquiéter car dans ce cas vous vous êtes éloignés de Dieu, et vous êtes plus proche de la création que du Créateur. Il faut apprendre à prendre soin des choses de façon correcte. Si nous cherchons en premier le Royaume des Cieux et qu’il s’agit de notre objectif numéro un alors le reste sera donné en surcroit ; mais si nous oublions cela, alors nous dilapidons le temps et nous perdons notre véritable « moi ». Mais si nous restons vigilants et que nous nous préparons à l’autre Monde alors la vie présente prend la plénitude de son sens. Lorsque nous nous mettons à penser à la vie future, on commence à voir les choses différemment. Mais si tout notre pensée consiste à voir comment rendre cette vie plus confortable alors nous sommes vraiment à plaindre et nous terminerons cette vie épuisés. Ne soyez pas écrasés par l’anxiété et obsédés par des pensées telles que « il faut faire ceci puis ensuite il faut faire cela » parce qu’alors même si la fin du monde survient, vous n’allez pas vous en rendre compte tellement vous êtes occupés par vos activités ! Il ne faut pas faire les choses en étant très anxieux, cela vient du diable. Mettez-vous en accord sur le Christ ! Autrement, même si apparemment vous vivez près du Christ vous aurez en fait l’esprit du monde en vous et vous serez semblables aux vierges folles (Mt. 25 :1-13). (…) Extrait de : «Paissios l’Ancien de l’Athos (Du saint monastère de « Jean l’Evangéliste et le Théologien »- 2006)).

Est-il possible que Dieu cesse d’aimer quelqu’un?

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Dieu est amour

Il ne peut cesser d’aimer quelqu’un. Pourquoi? – parce que Dieu est amour (1Jn 4, 8 et 16), et Il ne peut cesser d’être ce qu’Il est, « sa miséricorde est éternelle » (Ps 117); parce que l’amour est toujours l’amour de quelqu’un, ou bien il n’est pas amour, donc Dieu ne peut être amour sans être amour pour quelqu’un; parce que la personne que Dieu aime ne peut jamais faire assez de mal pour que ce mal soit plus grand que l’amour que Dieu a pour elle (cf. Luc 15); parce que Dieu n’aime pas d’une façon conditionnelle: Il aime gratuitement; parce que Dieu voit toujours le meilleur de ce qui est dans la personne; or il y a toujours quelque chose de bon dans la personne, ne serait-ce que le sceau de l’image divine qui ne peut être effacé.

Pédagogie

Par amour pour quelqu’un, Dieu peut choisir de s’éloigner d’elle, de se faire plus discret, afin que cette personne se mette à sa recherche (Os 9, 15). Il arrive que Dieu en quelque sorte se cache. Et Il fait cela par pédagogie, lorsque nos péchés nous ont rendus insensibles à sa présence et à son amour. Il ne cesse pas alors d’aimer, mais Il peut cesser de manifester son amour à la personne, ou en tout cas le manifester d’une moindre façon. A la limite, son amour peut être appelé « colère », lorsque, par amour, Il nous abandonne à nous-mêmes (Héb 12, 6). Cela ne veut pas dire qu’Il ne nous aime plus, ou qu’Il cesse d’être amour; cela veut dire que son amour prend la forme d’un feu, d’une sècheresse, d’une absence quelquefois terrible, d’un désert. Il nous livre ainsi à nous-mêmes, par pédagogie paternelle, après avoir essayé d’autres moyens de nous convaincre de son amour pour nous et d’obtenir que nous l’aimions à notre tour, en réponse, librement, par amour. « Ceux que J’aime, dit-Il dans l’Apocalypse, Je les corrige »(3, 19). S’Il ne les aimait pas, Il ne s’en occuperait même plus; or, Il les corrige, Il les éprouve, par son retrait même, ou par des épreuves extérieures ou intérieures afin qu’ils se redressent. Toute la Parole de Dieu – appelée sainte Écriture – nous montre l’amour de Dieu pour son peuple et pour des personnes. Et, ce qui montre que Dieu ne se lasse pas d’aimer, c’est qu’Il monte sur la Croix, aimant ainsi jusqu’au bout ceux qui ne l’aiment pas ou qui répondent mollement à son amour. La Croix prouve que Dieu aime toujours. Saint Maxime le Confesseur dit que Dieu aime tous les hommes, les justes comme ses amis et ses familiers, et les pécheurs comme des insensés qui se perdent dans la nuit (Centuries sur l’amour).Cela veut dire que, à l’égard des pécheurs, de ceux qui se rendent indignes de son amour, le Seigneur peut manifester son amour comme compassion.

Suggestion diabolique

L’idée que Dieu cesse d’aimer est donc, soit une opinion à caractère psychologique, comme les enfants redoutent que leurs parents cessent de les aimer; soit une suggestion diabolique qui nous fait douter que Dieu nous aime et nous rend presque impossible de nous approcher de lui. Douter que Dieu continue à nous aimer nous empêche de nous repentir et de lui demander pardon, donc de nous réconcilier avec lui. c’est pourquoi il faut plutôt penser que cette idée vient du Malin. En fait, celui qui, même dans ses erreurs, ses fautes et ses péchés, continue à croire à l’amour de Dieu pour lui peut être sauvé immédiatement, parce que la certitude de l’amour de Dieu est plus forte que la peur de la mort et de la mort éternelle. « Montre-moi ton amour, Dieu de miséricorde », dit David dans un psaume (84, 8): prions, non pour que Dieu nous aime, puisqu’Il nous aime toujours, mais pour qu’Il nous montre son amour, parce que nous ne le voyons pas toujours ou parce que cet amour est quelquefois imperceptible pour notre sensibilité grossière.

 

Que Dieu nous aide et nous donne la joie de son amour!

Gloire à toi pour ton amour indicible, Seigneur Jésus, gloire à toi!